Le chef de la MONUC, Alan Doss, informe le Conseil de Sécurité

20 oct 2009

Le chef de la MONUC, Alan Doss, informe le Conseil de Sécurité

New York, 16 octobre 2009- Le Représentant spécial du Secrétaire général en RDC, Alan Doss, a informé aujourd'hui le Conseil de sécurité des Nations Unies sur les avancements dans le processus de pacification et de stabilisation à l'est du pays et les actions entreprises par la MONUC pour accomplir le mandat qui lui est accordé par le même Conseil de sécurité. Texte intégral de l'intervention.

M. le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil,

Le rapport du Secrétaire général qui vous est soumis fait le point de la situation dans la République démocratique du Congo et des activités de la MONUC. Les Forces Armées de la RDC ont fait des progrès dans leurs opérations contre les groupes armés étrangers, et en particulier contre les FDLR qui ont été repoussés de la plupart des zones habitées et qui se trouvent dispersés et affaiblis. L'intégration des groupes armés Congolais se poursuit. Les personnes déplacées et les réfugiés sont en train de rentrer chez eux.

Néanmoins, des risques et menaces sérieux persistent et nous devrions éviter toute complaisance. Les FDLR ont été dispersées mais pas encore neutralisées; des attaques menées par des hommes armées continuent au travers les deux provinces du Kivu et dans la province Orientale ou des éléments résiduels de la RLA montent des raids sporadiques; le retour des personnes déplacées et des réfugiés, souvent après des années d'absence, provoque des tensions ethniques et des conflits fonciers. La violence sexuelle continue et représente un défi énorme. Et le retour de la sécurité a augmenté les attentes de la population, qui veut maintenant voir un réel 'dividende de la paix'.

M. le Président, distingués Membres du Conseil,

Lorsque je me suis adressé il y a un an à ce Conseil, la RDC était confrontée à une crise sécuritaire aux dimensions graves, suite à la reprise des hostilités avec le CNDP. Un an plus tard, il y a à présent un véritable espoir de voir la fin des conflits qui détruisent depuis longtemps l'Est du Congo. Des progrès ont été effectués sur plusieurs fronts :

- Les opérations des FARDC dans les Kivu et en Province Orientale ont considérablement amoindri la capacité de frappe et la domination des FDLR et de la LRA.

- Depuis le début de l'année, 1126 combattants FDLR et 1622 personnes à charge ont été rapatriées par l'équipe DDRRR. Ce taux de rapatriement représente plus du double de celui de l'année dernière pour la même période. 11 383 civils rwandais supplémentaires, dont beaucoup étaient retenus en otage par les FDLR, sont retournés au Rwanda avec l'aide du HCR.

- Deux figures importantes recherchées par le TPIR pour leur implication dans le génocide rwandais ont été arrêtées et transférées à Arusha.

- La plupart des déplacés internes qui avaient été regroupés dans des camps à la périphérie de la ville de Goma suite au conflit avec le CNDP, sont retournés dans leur foyer. Cependant, il y a toujours beaucoup de personnes déplacées dans le Nord et le Sud Kivu qui attendent plus d'améliorations de la situation sécuritaire avant de retourner dans leurs villages.

- Depuis le début de l'année, plus de 2000 enfants ont été retirés des groupes armés.

- L'intégration du CNDP et des autres groupes armés congolais touche à sa fin. Plus de 120 prisonniers politiques ont été récemment libérés et sont retournés dans l'Est, avec l'aide de la MONUC.

- Le Programme de stabilisation intervient dans des zones libérées du contrôle des groupes armés et ouvre la voie au retour de l'autorité de l'Etat.

Malgré ces développements positifs, je ne voudrai pas suggérer qu'il n'y a plus de troubles à l'Est du Congo. L'intégration rapide au sein des FARDC de 20 000 éléments des anciens groupes armés, dont certains ont commis de nombreuses violations des droits de l'homme, a aggravé des problèmes existants d'indiscipline et de crimes commis à l'encontre de la population. Les civils situés dans les zones les plus reculées continuent de subir les actes de représailles menés par les FDLR. Il y a eu de nouveaux déplacements de population et violations des droits de l'homme ; et le niveau de violence contre les femmes est toujours terriblement élevé. De nombreuses personnes sont toujours déplacées, et il est difficile d'avoir accès à elles, surtout pendant les périodes de combat. L'application des accords du 23 mars avec les groupes armés a pris plus de temps que nous ne l'avions espéré.

Dans l'avenir, nous voyons plusieurs problèmes qui doivent être abordés si nous voulons maintenir la dynamique générée par les accords de décembre 2008 entre la RDC et le Rwanda, et les accords du 23 mars.

Premièrement, les zones dégagées par les FARDC de la présence des FDLR doivent être totalement sécurisées afin de garantir une protection continue de la population, et permettre aux déplacés internes de retourner dans leur foyer.

Deuxièmement, les opérations importantes contre les bastions résiduels des FDLR devraient être exécutées le plus tôt possible, en tenant compte de la protection des civils.

Troisièmement, l'effort de stabilisation doit être accéléré dans les zones qui ont été sécurisées; ceci en donnant la priorité au contrôle des sites miniers afin de priver les éléments armés de leur source de revenu, mais aussi avec le soutien d'un déploiement de police armée et la reconstruction de routes et d'infrastructures administratives.

Quatrièmement, les initiatives non militaires destinées à encourager les défections et les redditions parmi les combattants FDLR résiduels doivent être davantage intensifiées.

Enfin, la discipline des FARDC et de la PNC, qui représente une dimension fondamentale de protection, requiert une attention constante afin d'indiquer que l'impunité ne sera pas acceptée.

M. le Président,

Comment la MONUC va-t-elle aborder ces problèmes?

Le Conseil nous a demandé de concentrer nos efforts sur la protection. Nous avons identifié les points chauds de protection. L'année dernière, nous avons lancé des bases opérationnelles mobiles afin de pouvoir répondre avec plus de flexibilité à l'environnement militaire qui change très rapidement. Les militaires de la MONUC sont maintenant présents dans plus de 50 localités différentes dans l'ensemble des Kivu et dans cinq localités dans les zones touchées par la LRA au nord-est de la RDC.

Comme vous le savez, nous avons créé des Equipes conjointes de protection qui sont déployées dans les zones sensibles au niveau sécuritaire, afin d'aider les militaires ainsi que les autorités locales à analyser, anticiper, et répondre aux menaces spécifiques contre les civils. Plus de 50 missions des Equipes conjointes de protection ont été lancées dans le Nord et le Sud Kivu ; et nous avons commencé à étendre cette pratique aux zones d'instabilité dans la Province Orientale. Le déploiement de ces missions est guidé par une cellule d'alerte précoce et rapide qui tire ses informations de plusieurs sources, y compris de la société civile et des réseaux de surveillance établis par les militaires au niveau provincial.

Nous utilisons également ces mécanismes pour surveiller la performance des bataillons FARDC individuellement, et demandons au commandement de l'armée congolaise de prendre des mesures correctives lorsque nous remarquons des problèmes d'ordre disciplinaire.

Le Président Kabila a déclaré la politique de « tolérance zéro » pour les actes de violences sexuelles et sexistes, et le Gouvernement agit à présent contre le pillage, la corruption, et l'indiscipline au sein des forces armées. Les cinq commandants qui avaient été identifiés par le Conseil de sécurité ont tous été relevés de leurs fonctions de commandement et seront poursuivis ; deux d'entre eux sont déjà en état d'arrestation, deux autres ont été mis en résidence surveillée à Kinshasa, et le dernier s'est enfui. Les FARDC ont créé un tribunal militaire pour les Kivu ; et ce tribunal a condamné plus de 30 soldats jugés coupables de crimes graves. Des commandants de haut rang ont été relevés de leurs fonctions pour faute grave; y compris pour détournement de fonds. Le réaménagement de la prison militaire de Ndolo, à Kinshasa, est presque terminé et le personnel a été formé grâce aux fonds fournis par les Pays-Bas. Cela permettra de transférer des délinquants graves de l'Est du Congo à Kinshasa. La MONUC est en train de mettre en place des Cellules d'aide aux poursuites judiciaires afin d'aider les autorités congolaises à enquêter et poursuivre les crimes graves, y compris le viol. L'aide des partenaires est cruciale pour cette initiative.

Pour souligner l'appui total que la MONUC apporte à la politique de tolérance zéro menée par le Président et renforcer cette politique, la MONUC cessera de soutenir les bataillons qui ne respectent pas le droit humanitaire international.

La MONUC est la première mission où le Commandant des Forces a donné à tous les contingents une directive précise sur la protection des civils. Selon cette directive, les Casques bleus de la MONUC protègent les civils contre les attaques perpétrées par les FDLR et d'autres éléments armés et effectuent des patrouilles le long des axes principaux afin de faciliter l'approvisionnement de l'aide humanitaire sans incidents. Les jours de marchés, les Casques bleus fournissent des escortes armées pour s'assurer que les villageois se rendent au marché et en reviennent sans crainte du harcèlement et des impôts illégaux de la part des groupes armés. Les Casques bleus fournissent également leur appui à l'aménagement des écoles et des bâtiments administratifs ainsi qu'à la réfection des routes et des ponts.

Toutes ces activités sont intégrées dans une stratégie globale de protection civile élaborée par la MONUC et le Groupe de Protection.

Nous déployons des efforts quotidiens pour bien gérer les ressources qui sont d'ailleurs insuffisantes et pour faire des choix difficiles. Le Conseil est bien au courant des difficultés que connaissent les ressources militaires et logistiques de la MONUC. Je dois rendre hommage aux contingents militaires ainsi qu'au personnel civil qui travaillent pour projeter la présence de la MONUC sur un terrain exigeant. Depuis quelques semaines, les premiers éléments des 3 000 éléments supplémentaires du personnel en tenue que le Conseil a autorisé l'année dernière ont commencé à arriver sur les lieux, et sont déployés exclusivement à l'Est pour étendre et renforcer davantage notre capacité de protection. Un autre bataillon est en train d'être transféré de Kinshasa à la Province Orientale pour appuyer les opérations menées contre la LRA. Suite à cette affectation, il ne restera plus que 500 troupes des Nations unies sur l'ensemble de la région occidentale de la RDC. Malheureusement, la capacité limitée des hélicoptères et des aéronefs à aile fixe constitue toujours une contrainte énorme sur notre capacité à déployer rapidement et à maintenir les forces de la MONUC à des endroits où l'on a le plus besoin d'elles.

M. le Président,

Malgré les efforts déployés par les FARDC et la MONUC pour améliorer et étendre la protection civile, il est évident qu'il n'est pas possible de protéger tout le monde partout et tout le temps dans les Kivu, une zone aussi vaste que la Californie et peuplée de 8 millions d'habitants. Et ceci nous amène inéluctablement à la question : faut-il mettre un terme à l'opération Kimia II ?

Certains observateurs ont émis l'avis d'une suspension de l'opération Kimia II pour laisser le temps aux FARDC de « mettre de l'ordre » et d'améliorer leur discipline. Nous estimons, cependant, que réduire la pression actuellement, permettrait aux FDLR de se regrouper et de se réarmer. En outre, une telle décision enverra un message ambigu à certains éléments des FARDC qui ont, dans le passé, coopéré avec les FDLR. Une suspension en ce moment précis compromettrait donc la détermination des FARDC et, paradoxalement, affaiblirait davantage la discipline en enlevant la pression immédiate de réforme créée par l'opération Kimia II. Le Rwanda risque aussi de considérer cet état de chose comme un pas en arrière du rapprochement qui a ouvert toute une nouvelle perspective pour les Kivu.

Une suspension rendrait plus difficile tout effort du Gouvernement d'imposer l'autorité de l'Etat et d'empêcher la résurgence d'autres groupes armés qui pourraient bien tirer la conclusion que les attaques perpétrées contre les civils amèneront le Gouvernement à céder à leurs revendications. Pire encore, une suspension de l'opération Kimia II serait célébrée comme une victoire des FDLR et renforcerait les liens entre le leadership à l'étranger et les combattants sur le terrain, ce qui anéantirait donc des années d'efforts de sensibilisation destinés à affaiblir ces liens.

Nous nous accordons cependant à dire que la pression militaire à elle seule ne suffit pas. Elle devrait faire partie d'une approche multiforme au problème des FDLR qui reconnaît la nécessité des mesures renforcées pour la protection civile ainsi que toute autre action destinée à encourager les défections au sein des FDLR et à affaiblir le soutien des FDLR à l'extérieur de la RDC.

Vous vous rappelez l'appel précédent que j'avais lancé aux pays qui accueillent les leaders des FDLR à l'étranger leur demandant d'engager des poursuites judiciaires destinées à neutraliser l'influence de ces leaders sur ce conflit. Votre engagement et votre coopération à ce sujet sont particulièrement importants. Les leaders des FDLR à l'étranger ont maintenu une campagne de propagande contre l'opération Kimia II en décourageant les hommes de troupes de se rendre. Il faut exercer plus de pression sur les leaders exilés afin qu'ils changent leur comportement ou qu'ils rompent toute communication avec les combattants sur le terrain.

La MONUC a proposé que le Gouvernement congolais et les pays accueillant les leaders des FDLR en exil cherchent les moyens de criminaliser les FDLR dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le crime organisé. Il y a des preuves abondantes de crimes dans les Kivu, et si cette initiative est appuyée par la communauté internationale, elle pourrait également servir d'effet puissant de dissuasion à ceux qui sont impliqués dans le réseau de commerce illégal avec les FDLR.

Le rapport du Secrétaire général fait également état de la révocation d'un grand nombre des magistrats. Il y a une préoccupation majeure liée à la mise en place des mécanismes pour assurer l'indépendance judiciaire et l'obligation de rendre compte, y compris le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Des tensions actuelles concernant les rôles respectifs du CSM et du Ministère de la Justice ainsi que la pauvreté des ressources budgétaires constituent autant d'handicaps à une bonne évolution de la création d'un secteur judiciaire efficace. Tout aussi grave, le problème des cours et tribunaux ainsi que les prisons en RDC qui se trouvent dans un état beaucoup plus critique. Le niveau actuel du financement national ne pouvant rendre possible un quelconque progrès significatif, il existe un besoin urgent des ressources attendues des bailleurs de fonds.

M. le Président,

Permettez-moi, pour conclure, de faire quelques observations au sujet du mandat de la MONUC, dont la révision est prévue à la fin de cette année. La Résolution 1856 énumère 41 tâches et nous accorde une flexibilité considérable d'agir dans un environnement en mutation rapide. Ladite résolution suscite plusieurs demandes et attentes qui devront être rationalisées.

La préparation d'un Cadre Stratégique Intégré (CSI), requis par le Comité du Secrétaire général en charge de l'élaboration des politiques, nous donne l'occasion de réfléchir sur comment le réaliser. Le CSI, initiative conjointe MONUC/Equipe pays des Nations unies, mettra l'accent sur les défis majeurs auxquels la RDC est confrontée. Il indique comment les Nations unies pourraient assister le pays à répondre de manière cohérente à ces défis, en prenant en considération toutes les priorités exprimées par le Gouvernement et les directives ou orientations du Conseil sur les priorités/objectifs et le déploiement des ressources de la MONUC. La stratégie intégrée se base sur les initiatives stratégiques élaborées par les Nations unies en RDC, notamment la Stratégie des Nations unies pour la lutte contre la Violence Sexuelle, la Stratégie sur la Protection des Civils, le Programme de Stabilisation de l'Est, et l'approche multidimensionnelle de la résolution du problème des FDLR.

Le CSI examinera également les défis qui ne cadrent pas directement avec le mandat de la MONUC mais qui constituent une préoccupation directe pour le système élargi des Nations unies. Néanmoins, nous nous attendons à ce que le CSI mette en exergue les questions qui seront reprises dans la révision du mandat de la MONUC. Il s'agit particulièrement: de l'évolution du processus de paix; de la reforme du secteur de la sécurité; de la protection et de l'état de droit; de la prévention et de la résolution des conflits; de la stabilisation de l'Est; et du processus démocratique et des élections.

Nous envisageons également la possibilité des arrangements structurels probables nécessaires pour la mise en application du CSI. Conformément à vos directives, la MONUC a déjà déployé 95% des ressources militaires de la Mission à l'Est et (en dehors des installations du Quartier Général) presque 90 % du personnel civil international, tiré des sections clés.

Nous avons passé en revue des opérations en cours des Nations unies dans les provinces de l'Ouest et identifié les domaines de responsabilités qui pourront être transférés à l'équipe pays des Nations unies moyennant un appui minimal permanent de la MONUC.

En octobre 2008, le Conseil a autorisé l'octroi des troupes supplémentaires à la MONUC, dont le déploiement est en cours. Si toutes ces troupes arrivent effectivement et les opérations militaires contre les groupes armés étrangères arrivaient à termes en 2010, la MONUC pourrait alors débuter le retrait progressif de ses troupes à un rythme qui serait conforme à l'évolution de la situation sécuritaire sur le terrain. Si tel est le souhait du Conseil de sécurité, les Nations unies pourront ainsi re-allouer (dans un contexte d'un budget généralement en baisse) des ressources supplémentaires à un programme intensifié de la reforme du secteur de la sécurité et, de manière plus élargie, au renforcement de l'Etat de Droit en prélude à un éventuel départ de la Force de Maintien de la Paix des Nations unies.

Dans le prochain rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité, nous présenterons les éléments clés du CSI en guise de contribution à la révision du mandat de la MONUC et à la reconfiguration probable de la structure de la Mission.

Dans toutes les activités auxquelles j'ai fait allusion, la MONUC travaille en étroite collaboration avec les autorités congolaise au niveau à la fois national et provincial. Nous travaillons aussi avec les Envoyés Spéciaux du Secrétaire Général, avec l'Union Africaine et l'Union Européenne, et avec les représentants des Etats Membres séparément. Nous apprécions à sa juste valeur la contribution de l'EUSEC et de l'EUPOL à la Réforme du Secteur de la Sécurité, ainsi que l'appui par plusieurs états membres à la Stratégie d'Appui des Nations Unies à la Stabilisation et à la Sécurité. Nous sommes aussi encouragés par l'initiative régionale de réactiver la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).