Alan Doss s’est adressé aux membres du Conseil de Sécurité de l’ONU

21 déc 2009

Alan Doss s’est adressé aux membres du Conseil de Sécurité de l’ONU

New York, 21 décembre 2009- Le Représentant spécial du Secrétaire général en RDC, Alan Doss, s'est adressé aux membres du Conseil de sécurité des Nations Unies le mercredi 16 décembre dernier. Il a informé les pays membres des activités menées par la mission dans l'accomplissement de son mandat, notamment la pacification de l'est du pays et la mise en place du plan de stabilisation pour la région, ainsi que sur les défis qui restent encore à relever. Texte de sa présentation.

M. le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil,

C'est un honneur pour moi de vous présenter aujourd'hui de nouveau un aperçu de la situation en République Démocratique du Congo (RDC), et un état de lieu de la mise en œuvre du mandat que vous avez donné à la MONUC, en décembre 2008. Comme vous êtes actuellement en discussion sur l'avenir de notre mission, je vais me concentrer sur les défis restant dans le processus de paix et sur nos propositions pour y faire face dans un avenir proche.

M. le Président, distingués Membres du Conseil,

Vous avez reçu le rapport du Secrétaire général et j'ai très peu d'éléments nouveaux à ajouter, à l'exception de la situation en Equateur. Les forces gouvernementales ont repris la ville de Dongo, où des incidents avaient débuté il y a trois semaines. La MONUC a envoyé une équipe composée de militaires et de civils dans la zone afin d'aider à préparer le retour de la population et faciliter l'arrivée de l'aide humanitaire.

Dans l'Est, nous avons concentré nos efforts sur la maîtrise et la réduction de la menace que font peser les principaux groupes armés étrangers en RDC ; à savoir les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Au cours des mois d'octobre et de novembre, des éléments des deux groupes se sont rendus et ont été candidats à un rapatriement volontaire. Depuis le début de l'année et jusqu'à la mi-décembre, plus de 1400 combattants se sont rendus, ce qui représente environ trois fois plus que la moyenne des années précédentes.

Il y a également de plus en plus de combattants de la LRA qui se rendent. Parmi ces nombreuses redditions, la plus importante a été celle de Charles Arop qui commandait les opérations au moment du massacre de Noël qui a eu lieu à Faradje l'année dernière.

M. le Président,

Les opérations Kimia II prendront fin le 31 décembre. L'opération a été axée sur la déstabilisation et la dispersion des forces FDLR afin de mettre fin à leur contrôle des centres de population et de réduire leur capacité à exploiter les richesses naturelles du pays. Cet objectif a été largement atteint, bien que nous reconnaissions que les conséquences humanitaires ont été très graves.

Néanmoins, je voudrais souligner qu'il n'était pas prévu que ces opérations démantèlent totalement les FDLR, qui sont retranchés dans les Kivus depuis plus de dix ans. Les FDLR restent une menace forte et elles chercheront à retourner dans leurs anciens fiefs et punir la population pour avoir collaboré avec les forces gouvernementales, si on leur permet de le faire. Aussi, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'une nouvelle directive a été approuvée ce matin par le Chef d'Etat Major des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et le Commandant de la Force. Dans le cadre de cette directive, les FARDC et la MONUC auront pour priorité de conserver les zones qui ont été reprises aux FDLR et d'empêcher les attaques contre les civils dans les zones vulnérables, tout en menant des actions plus ciblées contre les centres de commandement et de contrôle où les FDLR pourraient s'être regroupées. La protection des civils devra être au cœur de ces opérations.

Comme nous l'avons indiqué auparavant au Conseil, la menace que représente les FDLR ne peut être neutralisée que par un ensemble de mesures : une pression militaire alliée à des mesures visant à inciter les combattants à se rendre, un véritable contrôle par l'Etat du commerce des minerais et autres ressources, et enfin des poursuites judiciaires contre les éléments expatriés qui continuent de financer, encourager et appuyer les activités criminelles dans l'Est de la RDC. Il s'agit d'un programme d'action qui, de toute évidence, va au-delà du mandat et des moyens de la MONUC et nécessite un appui régional et international.

Le dernier rapport du Groupe d'experts fournit des preuves abondantes du rôle crucial joué par les dirigeants expatriés dans le financement, l'organisation et la conduite des activités des FDLR à l'Est de la RDC. Le rapport montre également à quel point il est important de sévir contre les réseaux de commerce illégaux qui financent les FDLR ainsi que d'autres groupes armés en RDC. Les gouvernements de la région et au-delà devraient travailler ensemble et identifier les meilleurs moyens de contrôler et réguler le commerce des ressources minières et naturelles afin de garantir que les entreprises qui importent des minerais de la RDC fassent preuve de prudence nécessaire.

Parallèlement, le Gouvernement congolais doit garantir la démilitarisation progressive des zones minières et empêcher ses propres forces armées d'exploiter ces ressources. Le Groupe d'experts a indiqué une collusion entre certains éléments FARDC et les FDLR. Nous le déplorons, mais il faut reconnaître que les FARDC ont délogé les FDLR de leurs anciens fiefs, et restent déterminés à régler le problème des FDLR, ce qui, jusqu'à il y a une année, n'était pas le cas. Cependant, le gouvernement doit agir dans les plus brefs délais pour instaurer l'autorité de l'Etat dans ces zones tout en poursuivant devant la justice ceux qui commettent des violations des droits de l'homme.

Nous saluons l'arrestation dans la partie orientale de la RDC et en Ouganda de deux inculpés du Tribunal pénal international pour le Rwanda parmi les dirigeants des FDLR. Ces arrestations ont été suivies par l'arrestation en Allemagne au mois de novembre d'Ignace Murwanashyaka, le Président des FDLR, et de son adjoint Straton Musoni. C'est la première fois que des dirigeants FDLR sont inculpés pour des crimes commis par leur groupe en RDC — crimes qui, jusqu'à ce jour, sont toujours aussi nombreux. J'exhorte d'autres pays à suivre l'exemple de l'Allemagne en engageant des poursuites judiciaires contre les autres membres de la direction politique des FDLR pour leur soutien à des crimes contre les congolais dans la partie orientale de la RDC.

M. le Président,

Le Conseil a spécifié que l'appui de la MONUC aux FARDC est subordonné au respect des droits de l'homme, du droit humanitaire international et du droit des réfugiés. Conformément aux directives données par le Siège des Nations Unies, nous avons adopté une politique de conditionnalité, qui est déjà en application, quant à l'appui de la MONUC aux opérations. Cette politique a été partagée avec le gouvernement et étaye l'initiative de tolérance zéro du Président Kabila. Elle est un élément crucial dans la lutte contre l'impunité et la protection des civils.

Malheureusement, avec la récente vague d'intégration et de démobilisation des groupes armés congolais, le problème de la discipline au sein des FARDC s'est aggravé. Il ne s'agit pas d'un problème nouveau car les précédentes vagues d'intégration ont apporté de nombreux éléments indisciplinés et non formés au sein de l'armée. C'était le prix à payer pour la paix. Il est par conséquent important que la réforme du secteur de la sécurité aborde ce problème récurrent par le biais d'un processus structuré de vetting et de formation et en veillant à ce que les forces de sécurité soient payées régulièrement et à temps.

M. le Président,

Depuis mon dernier exposé devant le Conseil, des évènements qui ont eu lieu sur le terrain en RDC ont mis en évidence les nombreux défis auxquels nous faisons face dans nos efforts pour appliquer les dispositions du mandat que vous nous avez assigné.

Le premier défi est la protection. Les violations des droits de l'homme continuent à grande échelle dans l'est du pays, et particulièrement dans les Kivu. Il y a également eu de nombreuses attaques contre des défenseurs des droits de l'homme dans d'autres parties du pays. La situation humanitaire dans les Kivu demeure précaire et les déplacements de population restent importants malgré le retour récent des déplacés internes des camps autour de Goma. Les violences sexuelles continuent de manière irrépressible. Les groupes armés ainsi que des éléments incontrôlés des FARDC sont responsables de la plupart de ces violations.

La MONUC et des agences des Nations Unies ont mis au point et sont en train de mettre en œuvre une stratégie de protection à multiples facettes. La MONUC aide chaque jour — et dans de nombreuses zones — à protéger des dizaines de milliers de civils qui sont sous la menace d'un danger imminent. Nous avons continué le déploiement des Equipes conjointes de protection ; nous cartographions les conflits et identifions les zones « à protéger impérativement », en coopération avec les autorités militaires et civiles locales. De plus, des Bases Opérationnelles Mobiles et des Bases Opérationnelles de la Compagnie ont été déployées pour la protection des populations vulnérables dans le Sud Kivu, l'Ituri et dans le Haut et le Bas Uélé. Dans le territoire du Bas Uélé, où nous n'avons encore qu'une présence limitée, le déploiement d'un bataillon supplémentaire permettra à la Force d'accompagner les agences humanitaires pour des missions de courte durée dans des lieux autrefois inaccessibles où il est fait état de situations humanitaires très graves. Cinquante deux de ces bases avancées sont à présent opérationnelles et j'en ai visité quelques-unes. Je peux vous assurer que la population locale est très reconnaissante de notre présence et de la protection fournie par la MONUC.

Le Conseil n'ignore cependant pas le dilemme auquel est confrontée la MONUC, dilemme qui est inhérent au mandat, lequel nous prescrit comme objectif premier la protection des civils, tout en travaillant avec les FARDC, qui comprennent des éléments qui ont commis des violations des droits de l'homme, le désarmement des groupes tels que les FDLR qui sont depuis plus de dix ans une menace constante pour la population de l'Est du Congo. Il n'y a pas de réponse facile à ce dilemme et, à cet égard, nous nous en remettons au Conseil pour une orientation claire.

Le deuxième défi est l'intégration, un processus fragile qui crée de nouvelles tensions et incertitudes dans les Kivu. Il y a deux raisons principales à cela : les groupes armés résiduels qui manifestent de la réticence à s'intégrer ou se démobiliser ; et l'ancien CDNP qui n'a pas encore démantelé ses structures militaires et administratives parallèles dans certaines zones qui étaient précédemment contrôlées par ce groupe. Le manque de progrès sur les problèmes non résolus relatifs aux Accords du 23 mars est souvent utilisé comme un prétexte pour refuser d'achever l'intégration et de soutenir l'extension de l'autorité de l'Etat. Le Gouvernement doit établir le dialogue avec les groupes récalcitrants et examiner leurs doléances ; mais toutes les parties prenantes doivent comprendre que le maintien de structures parallèles ou de milices est incompatible avec le processus de paix, et que le Gouvernement a le droit d'employer tous les moyens adéquats pour imposer son autorité à ceux qui continuent de la défier, pour peu qu'il le fasse dans le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire international.

Parallèlement, le Gouvernement devrait tout mettre en œuvre pour surmonter les échecs qui ont entravé l'intégration militaire et de la police. La Commission sur l'attribution des grades militaires devrait s'employer à une conclusion rapide de ses débats afin de clarifier le statut et la fonction de tous les officiers nouvellement intégrés. Maintenant que l'EUSEC a terminé le recensement de l'Armée, les salaires devraient être payés à temps et il faudrait établir des mécanismes visant à garantir que les soldes parviennent jusqu'aux soldats. Il faudrait commencer immédiatement à mettre en garnison les troupes qui ne sont pas indispensables pour les opérations en cours et pour les missions de protection. De plus, les FARDC devraient identifier les bataillons sélectionnés pour la formation, afin que les FARDC et la MONUC puissent poursuivre le processus de vetting, et écarter les militaires qui ne remplissent pas les critères requis par des forces de sécurité professionnelles, et cela dans le but de bâtir une force de taille raisonnable qui pourra prendre progressivement en charge les fonctions assumées par la MONUC sur le plan de la sécurité, comme il est recommandé dans le rapport du Secrétaire général. La police nouvellement déployée et intégrée devrait être rémunérée de manière régulière et correctement équipée. De plus, il faudra assurer le financement de la réintégration durable des anciens combattants dans la vie civile.

Ultérieurement, tous ces efforts devront être orientés vers un processus global de Réforme du secteur de la sécurité au niveau national. La composante police de ce processus est sur la bonne voie, avec un plan d'action de trois ans et une perspective stratégique de quinze ans. Cependant, la réforme de l'armée est toujours en germe et la réforme du secteur de la justice nécessite une nouvelle dynamique. Le plan de réforme de l'Armée gouvernementale est en examen au Parlement ; et une fois qu'il est approuvé, la discussion promise de longue date avec les partenaires internationaux disposés à aider à sa mise en œuvre devrait être organisée sans plus tarder.

Le troisième défi concerne les déplacés internes et les réfugiés qui ont commencé à rentrer chez eux. Dans certaines régions où ils retournent, les conditions sécuritaires sont toujours volatiles et sont exacerbées par les conflits fonciers et la compétition pour les ressources minières. Ces problèmes ont été accentués par le fait que certaines personnes ont franchi illégalement les frontières, et par des allégations selon lesquelles les anciens CNDP auraient créé des « zones protégées » pour les rapatriés. Il faut être très clair sur ce point : il est vrai que les déplacés internes et les réfugiés qui sont de retour ont droit à la protection, mais c'est le rôle de l'Etat, et non celui des groupes armés, de fournir cette protection. Une privatisation des tâches de protection ne conduirait qu'à la réapparition des milices ethniques, et cela pourrait défaire le processus d'intégration et déclencher des violences ethniques.

Le Gouvernement de la RDC ainsi que les Gouvernements de ses trois voisins de l'Est, l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi, sont en train de négocier des accords tripartites avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ; et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, avec le soutien de l'Equipe de pays des Nations Unies, prépare des programmes d'appui à la réintégration qui profiteront non seulement aux rapatriés, mais aussi aux communautés qu'ils rejoignent.

Tandis que ces négociations sont en cours, il faudrait chercher des moyens de gérer le flux des retours, et mettre en place des mécanismes globaux pour régler les conflits fonciers qui y sont liés. Nous avons exhorté le Gouvernement à mettre en place les comités d'arbitrage permanent prévus dans les Accords du 23 mars.

Les efforts pour stabiliser l'Est de la RDC ne peuvent être durables que s'ils sont soutenus par des efforts nationaux pour consolider la démocratie et améliorer la gouvernance, particulièrement la gestion financière, et enfin encourager les investissements et la création d'emploi ; ce dernier point a été récemment souligné par le Président lors de son discours sur l'état de la Nation. Il est évident qu'il ne peut y avoir de développement sans paix ni sécurité, et que l'on ne peut maintenir la paix et la sécurité dans un contexte de détresse continue au niveau social et au niveau économique. Une mission de maintien de la paix intégrée comme la MONUC peut aider à créer un environnement favorable en termes de paix et de sécurité, et, avec l'Equipe de pays des Nations Unies et d'autres partenaires, aider le Gouvernement à jeter les bases du relèvement et du développement à plus long terme. Le Cadre stratégique intégré, actuellement en préparation, est en ce sens un indicateur.

Comme vous l'avez demandé dans la résolution 1856, nous avons concentré presque toutes nos forces militaires à l'Est. Un nombre important de personnels civils et de la police des Nations Unies ont également été réaffectés dans les provinces situées à l'Est. La transition progressive à l'Est est par conséquent pratiquement achevée, bien que nous continuions à fermer quelques bureaux dans les provinces de l'ouest du pays. Ces dernières années, les agences onusiennes se sont également concentrées sur l'Est de la RDC et ont très peu de ressources, notamment en termes de personnel, affectées à la partie ouest du pays ; ce qui signifie qu'elles ne peuvent pas reprendre les fonctions assumées par la MONUC sans un soutien supplémentaire non négligeable de la part des bailleurs de fonds.

M. le Président,

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots concernant l'avenir de la MONUC. Le mandat actuel de la MONUC est complexe, couvrant un large éventail de tâches. Il nous a permis un degré appréciable de flexibilité dans un environnement politique et militaire qui évolue rapidement. Parfois, le mandat a soulevé des attentes qui allaient au-delà des ressources et des capacités de la mission. Je me permets d'espérer par conséquent que les futurs mandats simplifieront l'étendue des tâches que la mission doit assumer.

Au cours de la première moitié de 2010, nous anticipons plus de clarté quant à la situation en évolution à l'est de la RDC, à l'impact des mesures visant à renforcer la protection des civils, au processus d'intégration et au calendrier des élections. A ce moment-là, le Département des opérations de maintien de la paix devrait être en meilleure position pour proposer un plan réaliste pour la MONUC et sa reconfiguration.

Monsieur le Président,
Distingués Membres du Conseil,

L'année prochaine, le 30 juin, la République Démocratique du Congo fêtera le 50ème anniversaire de son indépendance. Peu après la naissance du nouvel Etat en 1960, les Nations Unies sont intervenues pour éviter le démembrement du pays. Beaucoup de Congolais se rappellent cette intervention onusienne avec gratitude. Au cours des dix dernières années, la MONUC a accompagné la République Démocratique du Congo dans sa longue sortie de crise, la plus grave que le pays ait connue depuis la tentative de sécession du Katanga, tout en apportant un soutien multiforme à la mise en place des institutions actuelles et à la poursuite d'un processus démocratique qu'il importe de continuer et de renforcer.

Je vous remercie de votre attention.