Déclaration de Navi Pillay, HCDH sur la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture

28 juin 2010

Déclaration de Navi Pillay, HCDH sur la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture

 

 

GENEVE, le 26 juin 2010 – "Presque tous les Etats ont des lois qui interdisent la torture et la considèrent comme un crime. Pourtant, de nombreux pays pratiquent la torture et ne poursuivent pas ceux qui la commettent. Chaque jour, des rapports effarants sur la torture arrivent sur la table des responsables des Nations unies chargés des droits de l'homme, même si ces pays qui la pratiquent essaient de la contenir dans des coins obscurs que la majorité d'entre nous ne voit jamais, et dont bon nombre ne pourraient même pas soupçonner l'existence derrière les façades brillantes de nos villes du 21è siècle ».

"Mercredi dernier, le Pakistan est devenu le 147ème Etat à ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En conséquence, il ne reste à ce jour que 45 Etats membres des Nations unies qui n'ont pas encore ratifié ce traité historique, qui constitue l'un des remparts les plus importants contre l'abus de pouvoir dans notre civilisation moderne."*

"Malheureusement, cela ne signifie pas que la pratique de la torture se limite à « seulement » 45 pays. Les pouvoirs publics de nombreux Etats parties à la Convention continuent à pratiquer la torture, soit parce que la législation nationale interdisant la torture est inadéquate, soit parce qu'elle n'est pas appliquée."

"En droit international, la torture est un crime grave, en temps de guerre ou de paix. La Convention contre la torture exige que les Etats considèrent la torture comme un crime et s'engagent soit à poursuivre, soit à extrader ceux qui sont supposés l'avoir commise. Et même les Etats qui n'ont pas encore ratifié la Convention ont l'obligation de protéger leurs citoyens contre la torture. Malheureusement, malgré toutes ces dispositions, les poursuites sont rares."

"Pourtant, il existe un aspect qui devrait amener les tortionnaires les plus impitoyables et présomptueux à marquer un temps d'arrêt pour réfléchir: avec le temps, tous les régimes changent, y compris les plus rigides et despotiques. Ainsi, même ceux qui estiment que leur immunité judiciaire est cuirassée peuvent, et j'espère qu'ils seront de plus en plus nombreux, finalement se retrouver devant la justice."

"Alors que de nombreux tortionnaires sont en liberté et poursuivent leurs activités hideuses, la liste de ceux qui sont poursuivis pour cause de torture s'allonge d'année en année. Parmi les exemples récents figurent des procès intentés contre des individus présumés avoir commis des actes de torture, commandité des disparitions ou des meurtres extrajudiciaires au Chili et en Argentine dans les années 1970 et 1980. Au niveau international, les tribunaux ad hoc, y compris ceux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, ont condamné d'anciens hauts dirigeants pour commission d'actes de torture, et le tribunal du Cambodge devrait rendre son verdict en ce qui concerne Kaing Guek Eav, le célèbre Khmer Rouge détenu et communément appelé 'Duch,' le 26 juillet prochain. La CPI devrait, à l'avenir, conduire des procès semblables en cas de défaillance des tribunaux nationaux."

"Toutefois, je reste consciente que certains Etats persistent à maintenir des amnisties qui épargnent aux tortionnaires d'être traduits en justice, bien que les régimes qui les utilisaient soient tombés depuis longtemps. En conséquence, il existe un certain nombre de démocraties bien établies qui généralement se conforment aux exigences de l'Etat de droit, et en sont fiers, mais qui dans la réalité protègent les tortionnaires et refusent les droits légaux, et par la même occasion, réparation, à leurs victimes."

"La torture est un crime extrêmement grave, et dans certains cas, elle s'apparente à un crime de guerre, à un crime contre l'humanité ou à un génocide. Aucune personne soupçonnée d'avoir commis un acte de torture ne peut bénéficier d'une amnistie. Il s'agit là d'un principe fondamental et vital de la justice internationale."

"Les tortionnaires et ceux qui les soutiennent ont besoin d'entendre ce message qui leur est délivré haut et fort: quelque soit votre force aujourd'hui, il y a de fortes chances que tôt ou tard vous ayez à répondre de votre inhumanité. Les dirigeants, les Nations unies, les ONG, les défenseurs des droits de l'homme, les médias, bref, tout le monde, doit comprendre que ce message est sous-tendu par des actions fermes."

(*) Pour voir les Etats qui ont ratifié ou non les traités concernant les droits de l'homme, y compris la Convention contre la torture, aller à: http://treaties.un.org/Pages/Treaties.aspx?id=4&subid=A&lang=fr

FIN