Gral.Gaye : «Nous attendons avec impatience l’arrivée des nouveaux Casques bleus»

21 juin 2009

Gral.Gaye : «Nous attendons avec impatience l’arrivée des nouveaux Casques bleus»

Kinshasa 20 Juin 2009- Le commandant de la Force de La MONUC, Général Babacar Gaye, réfléchit sur l'évolution des opérations militaires dans le cadre de la campagne Kimia II contre les FDLR, sur l'engagement de la MONUC dans la protection des civils, ainsi que sur les relations entre les FARDC et la MONUC. ENTRETIEN

Général, quel est le bilan de votre récente visite dans le Nord et le Sud Kivu?

C'est une visite qui fait suite à celle du Représentant spéciale du Ministre de la Défense à Bukavu et à Goma. Il s'agissait de faire le suivit sur les questions qui ont été posées et sur les décisions qui ont été prises. Où en sommes nous maintenant?

Le premier sujet de préoccupation est la dimension conjointe de l'opération Kimia II. Nous avons élaboré une grande quantité de documents qui fixent le cadre de cette opération conjointe. Il est essentiel que ces documents soient appliqués à la lettre parce que c'est ça qui nous permet de nous concentrer sur notre tâche qui est la protection des populations civiles. Il est important à souligner que les FARDC ont incorporé la protection des civils comme une de leurs priorités. Ils ont aussi posé avec franchise les problèmes de discipline qu'ils rencontrent.

Là, on a un deuxième sujet de préoccupation. Nous devons nous efforcer de minimiser tout dommage collatéral de l'opération Kimia II. La question est, quels sont les plans que nous allons élaborer pour poursuivre le bilan qui est déjà assez satisfaisante, et je vous dirai à titre de comparaison que depuis le déclenchement de Kimia II depuis 3 mois, nous avons rapatrié 1250 ex-combattants, ce qui fut le chiffre total de rapatriements durant l'année 2008, il s'agit donc de maintenir ce taux.

Ce dernier temps il y a eu des affrontements entre les FARDC et les forces de la MONUC, quelle est votre impression?

La semaine dernière il y a eu, ce que j'appellerai, des «mouvements d'humeur» des soldats, dû au retard dans la paie des salaires à Rutshuru et à Walikale, cela s'est traduit aussi par une confrontation entre nos éléments à Pinga et des éléments incontrôlés des FARDC. Le général Amuli, chef des opérations de Kimia II, est allé sur place, pour tenir une causerie morale avec les troupes et ramener de la cohésion et la discipline, mais il faut toujours que les salaires soient payés en temps.

Vous savez, quand les opérations durent si longtemps, quand les soldats sont loin de leurs familles pour une longue période, quand la logistique ne suit pas tout a fait, tout cela crée des problèmes de discipline. Cela est plus compliqué encore quand il y a eu beaucoup de nouveaux éléments intégrés sans avoir reçu l'instruction nécessaire qui devait créer la cohésion.

Est-ce que la MONUC est en charge ou bien surveille la paie de la solde des FARDC?

La MONUC assiste les FARDC dans plusieurs domaines mais en ce qui concerne le paiement de la solde des militaires c'est la communauté internationale qui appuie le gouvernement congolais à travers EUSEC. Ils ont réalisé un recensement biométrique des troupes pour avoir un meilleur contrôle des ressources et ils essaient aussi d'améliorer la chaîne de paiement des salaires, mais encore il faut que l'argent soit la.
L'intégration s'est passée rapidement, et tout le monde n'a pas pu être recensé ce qui fait qu'au moment du paiement il y a des soldats qui ne sont pas sur les listes, En somme, c'est une administration qui doit être améliorée pour être à la hauteur d'une armée qui est en opération.

Vu l'état des FARDC, les limites de la MONUC, notamment le soutien aérien, et les souffrances de la population, ne faut-il pas adopter une nouvelle stratégie pour éliminer la menace des FDLR?

C'est le moment d'évaluer les opérations de Kimia II et c'était le but de la dernière visite du Représentant spécial et du Ministre de la Défense à Bukavu et à Goma. Qu'est ce qui se passe sur le terrain?

Quand vous voyez les résultats de la lutte contre le LRA dans le Haut Uélé où la MONUC apporte son concours aux bataillons de la Garde Républicaine qui opèrent conjointement avec une armée bien réputée comme celle de l'Ouganda, les résultats sont là. C'est-à-dire, il y a des conditions minimales qu'il faut créer. Il faut d'abord que les FARDC aient un minimum d'équipement et que leur salaire soit régulièrement payé, c'est apparemment ce qu'on a avec la Garde Républicaine. Il faut bien évidemment que les FARDC soient bien dirigées, qu'aux postes importants il y ait des officiers qui soient des officiers de carrière, c'est ce que nous avons avec la Garde Républicaine. Voilà les conditions qu'il faut créer dans les Kivus si on veut avoir plus d'efficacité de la part des FARDC.

En ce qui concerne les moyens aériens, c'est une question fondamentale. Si l'on tient compte du manque d'un réseau routier acceptable dans les Kivus, il est clair que la couverture aérienne est une donnée essentielle. En ce sens, nous avons l'autorisation pour 18 hélicoptères et nous les attendons toujours pour mieux soutenir les FARDC, mais il aurait été souhaitable que les FARDC eux-mêmes aient quelques hélicoptères, ça leur permettrait de livrer de la nourriture à leurs hommes ce qui est excellent pour le morale, cela leur éviterait parfois de recourir à la population pour les aider a transporter leur alimentation et leurs bagages, ça permettrai aussi d'avoir plus de flexibilité dans leurs manœuvres, de surprendre les FDLR et de couper la retraite des celles-ci.

Dans ce sens là, quel est votre constat sur la protection des civils au stade actuel des opérations?

Pour nous c'est la question la plus importante, parce que le Conseil de sécurité a placé la protection des civils au cœur de notre mandat et c'est donc notre tâche prioritaire. Tout cela se fait dans le cadre de nos possibilités et la où nous sommes déployés. Le Conseil a accepté qu'il y a des limites à notre action. Aujourd'hui, quelle est la situation ?

La situation préoccupe tous les acteurs internationaux qui suivent cette crise et qui soutiennent cette population. Ils sont préoccupes d'abord parce que ces opérations, comme on pouvait le craindre, ont crée des nouveaux déplacements des populations, mais surtout parce que malheureusement ces opération s'accompagnent des dommages collatéraux qui sont le fait des soldats des FARDC, qui sont, sans doute, des soldats insuffisamment contrôlés et insuffisamment sanctionnés. C'est un problème dont les FARDC ont pris conscience et il faut aussi dire qu'il y a eu des efforts importants dans ce sens là. Je prends l'exemple de ce qui s'est passé à Pinga où des FARDC ont tiré sur une base de la MONUC, il faut savoir que 11 éléments, dont 2 officiers, ont été arrêtés. Donc, il y a une prise de conscience de la part de la hiérarchie des FARDC pour que ces actes d'indiscipline ne ternissent pas les efforts qui sont fait par la grande majorité des FARDC.

Il ne suffit pas de dénoncer le comportement des FARDC, il faut que tout le monde aide au règlement de ce problème. Pour la MONUC, la protection des civils n'est pas seulement entre les mains des militaires, toutes les sections substantives de la mission y participent. Nous avons mis en place des équipes conjointes de protection où l'on retrouve des humanitaires, de la protection de l'enfance, et autres sections, qui servent d'interphase entre les militaires et la population civile. Nous avons multiplié nos déploiements, dans la limite de nos possibilités. Nous sommes aussi prêts à soutenir les FARDC en tout ce qui concerne la Police Militaire et l'application de la justice, il faut à cet égard noter pour s'en féliciter que les FARDC ont mis en place une Cour Martiale opérationnelle, qui est sur le terrain pour tout de suite juger les cas qui se présentent.

Kimia II est une campagne militaire, est ce qu'il faut s'attendre a des actions étalées sur plusieurs semaines, voire des mois?

Tout dépendra du bilan. L'objectif qui a été fixé à l'opération Kimia II est de neutraliser les FDLR, c'est-à-dire d'arriver au rapatriement des quelques 2,500 FDLR qui sont dans le Nord Kivu et d'environ 3,500 dans le Sud Kivu, mais il est clair qu'il ne faut pas que l'opération s'enlise parce que d'abord cela a une conséquence dans les souffrances de la population et ensuite parce que l'option militaire doit être décisive même s'il faut bien se rendre compte que dans cette campagne il n'y a pas de bataille décisive. Partout où les opérations on été lancées, d'une manière générale les FDLR ont refusé la confrontation militaire, mais en lui rendant la vie de plus en plus difficile, en lui coupant leur sources des revenus, en essayant de désorganiser leur commandement on va très certainement créer des conditions pour qu'il y ait de plus en plus des volontaires au rapatriement et à la reddition.

Combien de temps cela va prendre ? C'est difficile à dire et c'était l'un des objectifs de cette évaluation dont je vous ai parlé. Nous avons prévu de faire dans le courant du mois de juillet une nouvelle appréciation de la situation.

Avez-vous des nouvelles sur l'arrivée des 3,000 nouveaux Casques bleus?

C'est une question que nous suivons de très près. C'est une action sur laquelle notre siège à New York est très actif. La situation sur le terrain aujourd'hui est une situation qui nécessite absolument l'arrivée de ces renforts. Il y a énormément à faire pour protéger les populations et nous attendons avec impatience l'arrivée des nos camarades bangladeshi et égyptiens qui devront composer cette force.