Transcript de la conférence de presse à Kinshasa du Conseil de sécurité

12 fév 2009

Transcript de la conférence de presse à Kinshasa du Conseil de sécurité

Déclaration introductive

Je voudrais remercier les journalistes congolais et étrangers qui sont venus à cette conférence de presse pour entendre ce que nous avons à dire à l?issue de notre visite à Kinshasa. Je voudrais dire que sont également avec nous les membres du CIAT(Comité international d?accompagnement de la Transition). Je le dis en levée de rideau, car le Conseil de Sécurité et le CIAT travaillent la main dans la main. Le Conseil de Sécurité a effectué à Kinshasa, pour la cinquième fois, une visite, qui a été, considérons-nous, extrêmement fructueuse. Comme vous le savez, cette visite ici à Kinshasa s?inscrit dans le cadre des visites du Conseil de Sécurité dans la région. Nous avions rencontré le Président Kagame hier, nous avons aujourd?hui passé la journée à Kinshasa, nous allons demain à Bukavu avant de nous rendre ensuite à Bujumbura et enfin le Conseil de Sécurité se rendra à Entebbe pour rencontrer le Président Museveni avant d?aller à New York.

Je disais que cette visite du Conseil de Sécurité à Kinshasa a été très fructueuse : nous avons rencontré aujourd?hui le Président Kabila, nous avons rencontré les Vice-présidents et M. Fall qui est venu nous faire rapport sur la conférence des grands lacs, nous avons rencontré le président de l?Assemblée nationale, le président du Sénat, nous avons rencontré les présidents des institutions de soutien à la démocratie, nous avons rencontré les Organisations non gouvernementales congolaises et internationales, nous avons rencontré les membres du CIAT et bien sûr eu de nombreuses réunions avec la Monuc. Nous avons, à la fois, pu faire passer plusieurs messages, des messages importants du Conseil de Sécurité, sur lesquels je vais revenir, et nous nous sommes également enrichis de tous ces contacts et avons recueilli énormément d?informations.

Le premier message que le Conseil de Sécurité souhaite faire passer c?est un message qui est adressé au peuple congolais. C?est un message de solidarité au peuple congolais et de soutien au processus de transition. Le Conseil de Sécurité demeure engagé en faveur de la transition et le Conseil de Sécurité considère qu?il n?y a pas d?alternative à la transition. La République Démocratique du Congo entre à présent dans une nouvelle phase et cela a marqué les membres du Conseil de Sécurité. Une nouvelle phase qui conduit aux élections. Et tout au long de cette journée, nous avons insisté sur l?importance du respect de la date des élections. Et tous nos interlocuteurs congolais en sont convaincus.

Alors quelle est l?appréciation des membres du Conseil de Sécurité, sur la transition ? Nous avons d?abord constaté que des progrès importants ont été accomplis depuis notre visite l?année dernière. Ces progrès sont indéniables. Ces progrès sont non seulement importants, je dirais qu?ils marquent de manière claire que la transition est sur les rails et qu?il n?y a pas d?autre option. Mais nous pensons que pour tenir les élections en juin, comme prévu, et il faut les tenir en juin, il est nécessaire d?accélérer les travaux dans chacun des domaines clé de la transition : constitution des forces armées et de police intégrées, adoption de la Constitution, de la loi électorale et autres lois essentielles : recensement des électeurs. Il faut donc accélérer ces travaux et c?est le message que nous avons fait passer. Il faut également, bien sûr, assurer les conditions de la stabilisé du pays au-delà des élections. Troisièmement, la communauté internationale doit rester impliquée, et pour cela, il faut que le processus soit crédible Voilà pour la transition

Je voudrais dire, en plus, que le Conseil réitère son soutien à la Monuc, sa confiance à l?ambassadeur Swing, Représentant spécial du Secrétaire général. Je pense qu?il est important que les Congolais sachent que le Conseil de Sécurité consacre avec beaucoup d?intérêt, avec beaucoup de détermination du temps et de l?énergie à travailler sur le dossier de la République Démocratique du Congo. Il le fait et il est heureux de le faire, parce que, comme je l?ai dit, il souhaite aider le peuple congolais. Et l?effort qui est fait par les Nations Unies est un effort qui est exceptionnel. La Monuc est la mission des Nations Unies la plus importante. Il n?y a pas d?autre mission dans le monde, plus importante, en nom, que la Monuc. En fait, c?est donc le plus gros investissement du Conseil de Sécurité dans le domaine du maintien de la paix.

J?ajouterai que le Conseil de Sécurité souhaite souligner l?importance de la normalisation des relations et de la restauration de la confiance mutuelle avec les pays voisins, à la frontière orientale. A cet égard, nous avons été encouragés au cours de cette visite, par ce qui nous a été dit sur la mise en place du mécanisme de vérification conjoint et nous appelons instamment les gouvernements de la République Démocratique du Congo et du Rwanda à en lancer le démarrage effectif, dès cette semaine. Nous avons salué également les résultats du premier sommet des chefs d?Etat sur la conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs. Nous félicitons les organisateurs et les participants pour le succès de cette réunion. Bien sur maintenant, la mise en ?uvre est essentielle.

Il est également très important d?accroître des efforts pour l?établissement de la sécurité, notamment dans l?est du pays. Cette préoccupation, le Conseil de Sécurité l?a mise en ?uvre en renforçant la Monuc. Dans le renforcement de la Monuc, les 6000 hommes supplémentaires qui vont être déployés, iront en priorité au renforcement du Kivu : brigade sud, brigade nord, bataillon de réaction rapide. Mais il nous semble également que le désarmement et le rapatriement des groupes armés étrangers (ddrrr), en particulier des Interhamwe, doit entrer dans une phase plus active. La Monuc soutiendra l?action de l?armée congolaise intégrée.

Je voudrais conclure ce propos liminaire, au nom des mes collègues membres du Conseil de Sécurité, en disant que la réussite de la transition dépend d?abord des responsables congolais eux-mêmes Ils sont responsables vis-à-vis du peuple congolais, ils sont responsables vis-à-vis du Conseil de Sécurité.Mais la Communauté internationale doit maintenir son soutien au peuple congolais y compris en tenant les engagements de soutien qu?elle a pris au processus de transition.

Je vous remercie, nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions que vous voudriez poser.


Questions et réponses

Journal Le Potentiel : Vous venez de dire que vous avez reçu de tous les animateurs de la transition en RDC, l?assurance que les élections vont être organisées en 2005. Mais à en croire particulièrement le président de la Commission Electorale Indépendante, il paraît que cette institution n?a pas encore réuni tous les moyens pour organiser ces élections. Qu?est ce que vous en avez dit avec lui concrètement ?

Jean-Marc de la Sablière : Je vous remercie pour cette question. Ce que j?ai dit exactement, c?est que nous avons insisté sur l?importance de tenir les élections à la date prévue, et que cette détermination de tenir ces élections, à la date convenue, nous l?avons entendu de la part des responsables congolais. Donc, il s?agit d?un objectif et d?une détermination qui a été affichée. Maintenant, j?ai dit également, et c?est de cela que nous avons parlé tout au long de la journée, qu?il y avait énormément de travail à faire. Et le message que le Conseil de Sécurité est venu apporter, c?est accélérer les travaux de manière à ce que les conditions soient réalisées pour avoir de bonnes élections à la date prévue. Alors, il y a du travail à faire, dans beaucoup de domaines que j?ai cités. Et il y a également du travail à faire, effectivement, pour la Commission Electorale Indépendante. Le moment est venu, si vous permettez que je puisse le dire, de retrousser les manches, d?accélérer le processus.

Radio Télévision nationale (RTNC-Radio) : Vous avez dit qu?il faut accélérer le travail pour organiser les élections. Avez-vous tenu compte de la logistique qui constitue un gros problème ici ?

Jean-Marc de la Sablière : Bien sûr, cela fait partie des questions (passage inaudible). Comme je l?ai dit tout à l?heure, le cadre juridique est fondamental. Il faut aller vite : Constitution et lois ; il y a la mise en place de manière significative des forces armées intégrées, de la police. Il y a un soutien également de la Communauté internationale, de manière à ce que ces élections puissent se tenir. C?est un soutien important. L?Union Européenne, par exemple, a déjà indiqué un engagement tes important. La Monuc egalemet va aider. Bien sûr qu?il y aura des problèmes logistiques. La République Démocratique du Congo est un grand pays,c?est un défi important. Nous avons survolé, en venant de l?est du Congo, le pays. Nous pouvons mesurer comme vous, non seulement la beauté, mais combien ce pays est grand. Il y aura donc des problèmes logistiques. Mais les interlocuteurs que nous avons rencontrés, c?est ce que nous avons senti, sont déterminés. Du côté de la Communauté internationale, il y a également une détermination. La Monuc a été renforcée et un effort sera bientôt fait pour que, sur le plan de la logistique, les élections puissent se passer dans de bonnes conditions. Mais vous avez raison, il y a des problèmes logistiques. Mais il faut faire preuve de détermination. On les réglera.


BBC : Es-ce que vous ne craignez pas que les perdants des élections remettent en cause les résultats et utilisent la force pour soutenir éventuellement leur position, ramenant ainsi le pays à la case départ ? Ou es-ce que vous soutenez peut-être une configuration où il y aura des élections sans perdants, où les perdants pourraient jouer un rôle dans la situation politique de l?après élection?

Jean-Marc de la Sablière : Nous ne voulons pas faire d?ingérence dans les affaires intérieures congolaises. Mais nous avons dit à nos interlocuteurs, et je l?ai dit dans les propos liminaires de cette conférence de presse, qu?il faut que les conditions de stabilité dans le pays soient assurées au-delà de la tenue des élections. Cette phrase répond au souci que vous avez évoqué. Il appartient aux Congolais d?en parler, il appartient aux Congolais de trouver la solution. Mais il est important que ces élections assurent la stabilité du pays au-delà. Ces élections seront un événement considérable. Voilà plus de 40 ans qu?il n?y a pas eu d?élections libres en République Démocratique du Congo. Cet événement n?est pas une fin en soi. Cet événement est un moment fondamental, historique dans l?histoire du Congo, et cet événement qui doit réunir le peuple congolais dans la démocratie, doit également assurer la stabilité au-delà. Parce que, les institutions qui seront mis en place devront travailler d?arrache-pied au développement de ce pays. Ce pays est un pays riche. Il est riche de ses richesses, mais il est riche de ses hommes aussi. Et ceci nous a beaucoup frappé dans les conversations que nous avons eues aujourd?hui. Il est riche de ses hommes. Il doit réussir sur la base d?institutions fortes, solides et démocratiques, à assurer le développement du peuple congolais.

AITV-RFO: Nous avons eu la chance de sillonner ce pays. Le pays est vaste, mais à voir les infrastructures, notamment à l?intérieur du pays, et à voir l?engouement que le peuple a à participer à ces élections, nous craignons qu?à six mois, cela ne soit impossible, vu l?immensité du pays comme vous l?avez reconnu. Quel genre d?élections voudriez-vous donner à un peuple qui n?a jamais été aux urnes depuis les indépendances ?

Jean-Marc de la Sablière : Je prends très au sérieux la question que vous posez. Certains se disent, il y a beaucoup de travail encore à faire, le pays est immense, il y a une aspiration profonde du peuple congolais à voter. Oui, il y a un défi. Il y a un défi pour le autorités congolaises. Elles doivent le relever et elles sont responsables devant leur peuple. Elles doivent faire en sorte que ces élections puissent se tenir dans de bonnes conditions à la date prévue. Et nous, notre responsabilité, de la Communauté internationale, c?est que dès lors que cette détermination existe, est d?aider les autorités congolaises. C?est ce que nous faisons en renforçant notamment la Monuc. Oui, il y a un défi, et nous pensons que ce défi peut être relevé et doit être relevé pour le bien du peuple congolais.

Radio Okapi : Ma question est relative au désarment des Interhamwe. Nous avons appris que Paul Kagame a demandé qu?on puisse désarmer les Interhamwe d?une manière forcée, parc qu?il estime, lui, que le désarmement volontaire est quasiment impossible avec la position actuelle des Interhamwe. Quelle est votre réaction par rapport à sa demande ?

Jean-Marc de la Sablière : D?abord, je voudrais dire que la question du désarmement des groupes armés étrangers, ex-FAR et Interhamwe, est un problème. Et que ce problème doit être reconnu et d?abord, il l?est. Alors, il appartient d?abord aux forces intégrées congolaise de mener à bien cette action. Elles doivent le faire avec le soutien de la Monuc. Il appartient, enfin, comme troisième partenaire, aux autorités rwandaises de gérer la question du rapatriement de ceux qui vont rendre les armes. Je crois que chacun doit prendre sa part. Il y a un plan qui est prévu, des actions doivent être menées, il faut que le désarmement rentre dans une phase plus active. La Monuc soutiendra l?action des forces congolaises intégrées, et nous verrons ce que cette action va donner. Nous espérons vivement qu?elle se traduira par la mise en ?uvre de ce programme. Sinon, il faudra rafraîchir la situation. Mais laissons faire l?action qui va être engagée et nous apprécierons la situation ensuite.

Antenne A : Je ne suis pas pessimiste, mais je voudrais savoir quelle sanction le Conseil de Sécurité va affliger au gouvernement congolais si les élections ne sont pas organisées au mois de juin 2005.

Jean-Marc de la Sablière : Est-ce que nous avons l?image de voter des sanctions partout ? Non. Nous sommes venus ici pour coopérer.

Le Point Saillant : Puisque les pilleurs des ressources de la RDC ne seront pas punis, selon une décision du Conseil de Sécurité, par-là, ledit conseil ne serait-il pas entrain de favoriser le culte de l?impunité ?

Jean-Marc de la Sablière : Je vous remercie d?évoquer la question du pillage des ressources. Voilà une question qui préoccupe beaucoup le Conseil de Sécurité, qu?on appelle le trafic illicite des ressources et peut être à l?origine de certains des problèmes qu?a connu la République Démocratique du Congo. Dans tous les cas, elle a favorisé les conflits. Parce que c?est à travers le trafic illicite des ressources que certains conflits ont été alimentés. Donc, mettre fin, réduire ce trafic illicite, c?est travailler dans le bon sens. C?est travailler pour la paix et la stabilité. Comme vous le savez, le Conseil de Sécurité a mis en place un panel, qui a rendu un rapport et qui était très éclairant. Et ce rapport a eu des vertus. Il a attiré l?attention sur la gravité du problème. Il a conduit également le Conseil de Sécurité, dans la foulée, à travailler sur une question difficile, qui est la question du flot des armes. Alors, le Conseil de Sécurité est bien conscient de l?importance du problème et il serait inexact de dire que ce problème n?est pas à son ordre du jour. Ce problème est constamment présent dans les discussions que nous avons. Je peux vous dire que chaque fois que le Conseil de Sécurité rencontre les dirigeants de la région, il évoque le problème. Et ceci a été le cas au cours de notre visite. Au-delà des questions immédiates, il faut se projeter dans l?avenir. La vision que nous avons c?est qu?il est essentiel que la République Démocratique du Congo, qui est un grand pays, se dote d?un véritable Etat. Le peuple congolais mérite que ses ressources naturelles soient contrôlées de telle sorte qu?elles profitent à son développement. Il faut que le Congo dispose d?institutions démocratiques et fortes, et c?est ce qui est entrain d?être mis en place. Il faut qu?il dispose également d?un Etat qui puisse contrôler ses ressources naturelles pour qu?elles soient exploitées au bénéfice du peuple.

Radio-Télé Kituadi : Je voudrais savoir la position du Conseil de Sécurité par rapport à l?idée de la création d?un Tribunal Pénal International pour le Congo.

Jean-Marc de la Sablière : Je dirais plusieurs choses à cet égard. La premier, c?est que la lutte contre l?impunité dans la région est une préoccupation que nous rencontrons auprès de nombreux interlocuteurs avec lesquels nous discutons. Mais c?est une préoccupation egalemet du Conseil de Sécurité. L?année dernière, lorsque nous sommes allés en Ituri, alors qu?il y avait une situation extrêmement tendue, que le Conseil de Sécurité avait autorisé la France, du côté européen, à intervenir pour stabiliser la situation, nous avions sur place à Bunia, et je le redis aujourd?hui, indiqué à quel point nous sommes engagés dans la lutte contre l?impunité. Alors, aujourd?hui dans la discussion que nous avons eue avec le chef de l?Etat, un membre de notre délégation, (ambassadeur de l?Allemagne), a interrogé les autorités congolaises sur les actions qui étaient engagées concernant la Cour Pénale Internationale. Beaucoup de membres du Conseil de Sécurité soutiennent cette action. Nous travaillons au maximum au sein du Conseil pour trouver l?unité sur cette question et la méthode pour lutter contre l?impunité. Et je peux vous dire que de très nombreux membres au sein du conseil soutiennent les actions qui sont menées à la Cour Pénale Internationale.