Transcript point de presse MONUC du 26 juillet 2006

13 fév 2009

Transcript point de presse MONUC du 26 juillet 2006

Propos liminaires du Représentant Spécial Adjoint du Secrétaire Général des Nations Unies en RD Congo, M. Ross Mountain, invité spécial du point de presse hebdomadaire de la MONUC.
Ross Mountain :Je suis ici ce matin pour essayer d'évoquer avec vous quelques volets de la grande entreprise qui est actuellement en cours, c'est-à-dire les élections. Les premières depuis 40 ans. Ces élections ne sont pas seulement grandes pour le Congo. Elles le sont aussi pour les Nations Unies, qui n'ont jamais soutenue une aussi grande opération électorale. Nous sommes ici pour soutenir la Commission Electorale Indépendante. Ce qui est aussi important de retenir, c'est l'aspect historique de ces élections. Je vous rappelle qu'il y a seulement quatre ans, la plupart des candidats pour la présidentielle étaient des dirigeants de milices de guerre. Et, ils se tiraient dessus. Aujourd'hui, nous avons un processus électoral certes compliqué, difficile, comme partout ailleurs, mais au regard de l'immensité du territoire congolais, l'environnement d'il y a quatre ans, les Congolais sont à féliciter pour les progrès réalisés.
La semaine dernière, mon collègue Ali Diabacté de la division électorale vous a expliqué tous les aspects relatifs à la transparence de ces élections qui vont enregistrer la présence d'observateurs tant nationaux qu'internationaux, ainsi que celle des témoins des différents candidats et partis politiques. Ceux-ci auront droit de regard sur ce qui va se passer dans les bureaux de vote. Je sais que vous les journalistes, vous vous focalisez sur l'élection présidentielle, qui est évidement très importante. Je voudrais cependant vous rappeler que la nouvelle constitution ne donne pas tous les pouvoirs au Président de la République comme par le passé. Avec celle-ci, on n'élira pas un dictateur. L'Assemblée nationale, sera très importante avec des pouvoirs accrus. Le chef du gouvernement, c'est-à-dire le premier ministre sera issu du parti majoritaire à l'Assemblée nationale. C'est très important de le savoir. Encore une fois, je voudrais souligner la neutralité des Nations Unies. Les Nations Unies n'ont pas de candidat. Si nous en avons un, c'est le peuple congolais. Et, nous allons faire en sorte que ce peuple puisse s'exprimer librement dimanche prochain. Les élections de dimanche sont un grand défi. Est-ce qu'il y aura des difficultés ? Certainement que oui. Mais, ce dont je suis sûr, c'est que ce seront de bonnes élections. Et, pour la première fois, on aura des dirigeants élus par la volonté du peuple congolais. Merci.

Kemal Saïki [Directeur de L'Information publique, Porte-parole]: Comme je l'ai indiqué, nous allons consacrer une bonne partie de notre temps à ce que vous puissiez poser des questions. Sans plus tarder, nous allons commencer. Veuillez respecter les règles habituelles de nos séances : Présentez vous, ainsi que le media pour lequel vous travaillez.

Télévision japonaise : M. Mountain, pourquoi dites-vous qu'au Congo, c'est la plus grande élection que vont soutenir les Nations unies ? Est-ce au niveau de la logistique, du personnel, du budget ? Et secondairement, pourquoi les Nations unies ont décidé de soutenir cette grande opération électorale ?

Ross Mountain[Représentant Spécial Adjoint du Secrétaire Général des Nations Unies en RDC] : La taille de ce pays est à la mesure de l'opération. Au niveau du budget, nous sommes autour de 450 millions de dollars. En ce qui concerne, les effectifs des Nations unies déployées pour ce week-end électoral, on aura 450 à 700 personnes dans les différents centres de vote. C'est un défi aussi de soutenir la Commission électorale indépendante avec le déploiement de la logistique, le paiement de 260 mille travailleurs dans les 50 mille bureaux de vote, et la formation de 74 mille policiers pour donner l'appui au processus. Avec ces chiffres, vous pouvez déjà vous faire une idée. Vous avez demandé pourquoi les Nations Unies sont à ce point engagé dans ce processus électoral ? Je voudrais simplement répondre que c'est parce que le Congo en vaut la peine. On a une situation où le pays a énormément souffert ces 40 dernières années. Nous avons ici, la plus grande catastrophe humanitaire dans le monde. Mon collègue Ausburger vous en parlera tout à l'heure. Il faut retenir aussi que la RDC est au centre de l'Afrique avec neuf pays voisins. Par conséquent, il est difficile d'imaginer une stabilité dans cette région de l'Afrique centrale, sans une stabilité de la RDC. On ne peut pas aussi imaginer qu'un pays avec de telles richesses... puisse ne pas pouvoir donner à manger et offrir un développement viable à sa population. En définitive, les Congolais méritent notre soutien.

Radio Liberté : Monsieur Mountain, jusqu'à hier les populations continuaient à manifester. Et, cela ne se passe pas seulement à Kinshasa. A l'intérieur, les populations ont aussi manifesté. On raconte des scènes où des affiches sont déchirées. Ce qui démontre leur insatisfaction devant la manière dont se déroulent les choses. Depuis le début, la majorité de la population, ne cesse de réclamer la tenue de concertations, pour voir comment va aboutir la transition. Mais, nous avons l'impression que la communauté internationale fait la sourde oreille et veut à tout prix que les Congolais aillent aux élections. Pourquoi donc cet entêtement de la communauté internationale ?

Ross Mountain : Je crois que contrairement à ce que vous dites, ce qui nous a été donné de voir montre que les Congolais veulent des élections. Certains pensent que nous allons trop vite. Mais, il faudrait savoir que celles-ci arrivent trois ans après Sun City. L'enrôlement de 25 millions d'électeurs est là pour montrer la volonté des Congolais d'aller aux élections. Je dois dire qu'au début de ce processus, la classe politique a avoué qu'enrôler 15 millions d'électeurs serait déjà pas mal. Nous avons, quant à nous, espéré être dans la tranche comprise entre 15 et 25 millions. Si aujourd'hui, le processus a pu enrôler plus de 25 millions d'électeurs, cela en est l'illustration, comme je le disais, de la volonté des Congolais d'aller aux élections. Le résultat du referendum, en témoigne. Je voudrais par ailleurs dire que Kinshasa, n'est pas à elle seule, Le Congo, même si c'est l'endroit où les acteurs politiques sont les plus présents et débattent le plus. Mais, on a vu qu'il y a un Congo hors de Kinshasa. Et, de là- bas, il nous revient que les Congolais veulent aller aux élections. Nous osons espérer que de leur côté, les hommes politiques congolais n'ont pas peur du vote, et refuser d'accepter les choix du peuple.

Reuters : La semaine dernière, le CIAT, a demandé le cantonnement des FARDC, des militaires non brassés, de la garde républicaine... Avez-vous une idée de la réponse donnée par les autorités congolaises ? Hier lors des manifestations, une police formée par la communauté internationale a réprimé sévèrement avec des armes. Nous constatons même qu'à quelques jours des élections, des militaires continuent d'être déployés.

Ross Mountain : Pour la première question, concernant le CIAT, la réponse ne fut pas favorable, satisfaisante. Mais, les discussions continuent. En ce qui concerne les manifestations d'hier, il est important de souligner que les manifestations font parties du jeu politique. Mais les manifestants doivent se garder d'être violents. L'encadrement policier doit être également dans les limites. C'est un point de vue que nous continuons d'exprimer.

Magazine Renaître : M. Mountain, vous avez à juste titre dit tout à l'heure que Kinshasa n'est pas le Congo. Je voudrais cependant savoir comment le peuple peut librement s'exprimer quand on sait que certains candidats principalement ceux qui sont au pouvoir usent et abusent des moyens de l'Etat pour battre campagne, tout en empêchant les autres de le faire à l'intérieur du pays ?

Ross Mountain : Nous reconnaissons qu'il y a eu des entraves au cours de la campagne électorale, ce qui est contre l'esprit démocratique et nous l'avons dénoncé. Nous n'approuvons pas ces entraves. Pendant cette campagne, il y a eu des incidents. Mais, les choses sont en cours et c'est historique. Il faut plutôt voir le chemin parcouru par un pays, qu'il y a seulement quatre ans était en guerre.

Berliner Zeitung : La première question est de savoir comment la force européenne apporte son soutien à la MONUC ? Ma seconde interrogation concerne Laurent Nkunda. Où est-ce qu'il est ? Qu'est ce qu'il fait en ce moment ? [Question traduit de l'anglais au français par Kemal Saïki]

Ross Mountain : C'était une nécessité pour les Nations Unies d'inviter cette force européenne. Pour nous, c'est une police d'assurance dans l'Ouest où nous n'avons pas beaucoup de forces. Nos forces sont au nombre de 17.000 dont la plupart est dans l'Est. C'est moins que le nombre de Casques bleus qui étaient en Sierra Leone, un pays moins grand. 22 fois plus petit que la RDC. Concernant Nkunda, je voudrais vous dire qu'il y a des tractations en cours. Pour l'instant, il est difficile de dire où il se trouve. Je ne peux pas vous en dire plus.

RTDV : M. Mountain, vous vous félicitez des progrès réalisés par la RDC, comme un confrère tout à l'heure, je me demande dans quel domaine la RDC a progressé. Je suis ému par les images de la page 15 du rapport que vient de nous remettre la Division des Droits de l'Homme de la MONUC, images relatives aux conditions de détentions des prisonniers. Est-ce cela le progrès ? Par ailleurs chaque jour, les gens manifestent contre la mauvaise organisation des élections. Et, malgré tout, la communauté internationale continue de soutenir ce processus. Est-ce une manière de se moquer de nous lorsque vous parlez de progrès ?

Ross Mountain : Je ne suis pas d'avis avec vous que l'élection est mal organisée. Il ne faut pas penser que l'organisation des élections en RDC va être pareille à celle, par exemple, de la Floride. La RDC est un immense pays qui n'a aucune expérience en matière d'élection en 45 ans. C'est un travail énorme qui a été effectué. La CEI a fait un travail remarquable. Peut être que vous pensez que seuls les journalistes sont capables de faire un travail parfait.

Die Zeitung : Est-ce qu'il y a un niveau d'irrégularité à partir duquel, vous pouvez dire qu'on ne peut pas accepter les résultats des élections qui vont se dérouler ?

Ross Mountain : L'acceptation des résultats est une responsabilité qui incombe aux institutions congolaises. Il y aura des témoins des partis politiques. 11.000 ont été enregistrés. Tous les partis politiques ont le droit d'être dans tous les bureaux de vote. En plus, il y aura des observateurs nationaux, internationaux et ceux de la société civile. Nous, les Nations Unies, nous ne sommes pas observateurs, parce que nous participons à l'organisation des élections. Avec tous ces observateurs, on aura un jugement indépendant de celui des Nations Unies sur le déroulement des élections. Nous pensons que les choses vont bien se dérouler. Tout ne sera pas parfait, c'est évident.

Horizon 33 : Quelle est votre réaction par rapport à la déclaration de l'église catholique qui est très forte en RDC ? Il y a récemment un candidat qui a aussi déclaré que la communauté internationale tient absolument à organiser les élections à cause des millions qu'elle a investi ici en RDC. Quelle est aussi votre réaction ?

Ross Mountain : Je ne pense pas comme vous que les élections soient une formalité. Si, s'en était une, elle reviendrait donc chère. Je vous laisse la liberté de penser que ces élections sont une formalité. Je vous rappelle que ce n'est pas seulement l'élection du président qui est importante. Il y a aussi, comme je vous le disais tout à l'heure, celle de l'Assemblée nationale d'où sortira le premier ministre, qui est également importante.

Potentiel : M. Mountain, nous sommes très heureux que vous soyez là. Je voudrais tout de même savoir où le CIAT en est avec la réunion convoquée pour se tenir avant le 30 juillet 2006.

Ross Mountain : Moi, je ne peux pas parler au nom du CIAT. Mais, ce que je puis dire, c'est que le Comité international d'accompagnement de la transition a proposé de rencontrer l'Espace présidentiel pour discuter d'un certain nombre de questions. Il faut dire que c'est difficile avec la campagne en cours. Mais, après le 30 juillet, nous pensons que tout va bien se passer. Je crois aussi qu'avant cette date, le président de la CEI va faire une déclaration pour donner la suite du calendrier électoral. Je voudrais surtout signaler que les élections sont indispensables, essentielles pour la stabilité du pays. Mais, il ne faut pas croire que celles-ci vont résoudre par magie tous les problèmes de la RDC. Après les élections, avec le gouvernement légitime, il y aura les mêmes problèmes. Ceux de la reforme sécuritaire, de la santé, de l'emploi... Le concours de la communauté internationale sera encore important pour accompagner le nouveau gouvernement et les Congolais dans cette nouvelle étape. Il est important que la RDC se rétablisse avec ses propres institutions.

Journal Demain Le Congo : L'ONU est ici pour la deuxième fois, elle risque d'y être pour une troisième fois. Et, ce sera de trop...

Kemal : Je vous reconnais, vous êtes celui qui fait toujours des spéculations... (Rires dans la salle)

Journal Demain le Congo : Je continue en disant que l'ONU risque d'être ici pour la troisième fois. Parce que la familiarité avec laquelle les acteurs politiques ont la main mise sur l'armée est un danger. Quel mécanisme proposez vous pour isoler l'armée des hommes politiques ?

Ross Mountain : Ce que je voudrais dire, la réforme du secteur sécuritaire est essentiel pour un pays comme la RDC. Il faut pour ce pays, une armée formée, disciplinée, encadrée et payée évidemment. C'est une priorité pour la communauté internationale. Il faut séparer la politique des militaires.

Kemal Saiki : Merci. M. Mountain va vous retrouver le vendredi pour une conférence de presse exclusivement réservée aux élections aux problèmes entourant son organisation.

Numerica : Je voudrais demander à M. Castanon si les candidats qui ont vu leurs calicots et affiches déchirées peuvent avoir un droit de recours ?

Castanon : Les droits de tous les citoyens, des acteurs politiques sont définis par la loi. On est ici pour défendre un Etat de droit. Et, c'est à l'Etat de droit de définir et de protéger ces droits. C'est ce que nous avons dit lors de notre réunion avec le gouverneur de Kinshasa et les représentants des partis politiques : appliquer la loi et la faire respecter.

Nouvel Elan : Je voudrais m'adresser aussi à Castanon. Vous étiez à une réunion avec le gouverneur, les militants de l'UDPS. Qu'est ce qui c'est exactement dit à cette rencontre ? Est-ce que les dispositions avaient été prises pour éviter ces dérapages qu'il y a eu hier?

Fernando Castanon [Directeur de la Division des Droits de l'Homme de la MONUC]: Les dispositions à prendre lors d'une marche sont de la responsabilité des autorités compétentes. Ce n'est pas notre rôle à la MONUC. Nous ne faisons que le suivi de la situation. Au cours de la rencontre, on a parlé de l'harmonisation des points de vue sur l'application de la circulaire du ministère de l'intérieur du 29 juin. Dans celle-ci, il est établit que pour une manifestation en cette période électorale, il suffit d'avoir une autorisation d'au moins un mois adressée à l'autorité compétente.. Une fois cette adresse faite, il revient à l'autorité mais aussi et aux personnes qui ont fait la demande de signaler les difficultés éventuelles pouvant perturber leurs manifestations. Par rapport au 30 juillet, la loi électorale prévoit qu'il n'y ait pas de manifestations. C'est même une pratique internationale.

Horizon 33 :M. Ausburger, vous avez soulevé un point très important. Vous avez dit que les taxes qui avaient été supprimées après les accords de Sun City sont de nouveau en vigueur aujourd'hui. Qui les exigent ? Si c'est le RCD, je crains pour l'avenir de ce pays...

Ausburger [Chef Ocha] : J'espère que cette question humanitaire ne va pas dégénérer. Nous sommes en négociations avec les autorités. Pas plutard que ce matin, des démarches ont été déjà entreprises auprès du ministre des finances pour empêcher la suspension des opérations humanitaires, au sud Kivu à la veille des élections.

Radio Okapi : Vous avez évoqué une récente visite de M. Swing en Ituri au cours de laquelle le Représentant Spécial a déclaré et je le cite ''les élections se tiendront avec ou sans la présence des miliciens '' Que voulait-il dire ?

Kemal Saiki : Vous savez qu'en Ituri, on a encore des poches d'instabilité. Partout où les gens auront la possibilité de voter sans que leur vie soit mise en danger, cela se fera. Il est de fait que dans les zones où il y a trop de violence et de potentiel de perte de vies humaines, il est difficile de penser que les élections puissent se tenir. Mais, cela ne concerne qu'une infirme partie de l'Ituri. Et ça ne remet pas en cause le processus électoral au plan national.