MONUC : «En 2009 nous sommes déjà à plus de 1300 sorties d'enfant des groupes armés»

23 mai 2009

MONUC : «En 2009 nous sommes déjà à plus de 1300 sorties d'enfant des groupes armés»

Kinshasa 22 Mai 2009- Depuis bientôt 4 ans à la tête de la Division de la Protection de l'Enfant à la MONUC, Judith Lavoie fait le point sur le travail accomplit par sa Division et réfléchis sur les défis à relever ainsi que sur le complexe et délicat travail que réalise sa Division. ENTRETIEN

Quel est votre constat sur l'évolution de la situation en matière de Protection de l'enfant en République Démocratique du Congo?

Il y a eu plusieurs progrès dans le cadre normatif et opérationnel et aussi dans le secteur de justice et impunité. A mon arrivée en 2005, on ne voyait pas beaucoup par exemple de cas de violence sexuelle interpellés par la justice et aboutir avec une condamnation. Aujourd'hui, on en rapporte chaque semaine. Pour le recrutement des enfants par les groupes armés, la RDC a pu mettre en place les éléments normatifs qui interdisent et pénalisent le recrutement. Récemment, en janvier 2009, nous avons aussi vu l'adoption de la Loi portant protection de l'enfant, qui regroupe tous les éléments de protection sociale et légale pour l'enfant. Les premiers cas à être retenus par le Cour Pénale Internationale concernent le recrutement d'enfants.

Quels sont encore les défis à relever?

La protection de l'enfant est un domaine complexe d'interventions multidisciplinaires. Les stratégies de protection ne sont pas des stratégies statiques mais toujours en évolution. Ainsi pour une mission de maintien de la paix comme la MONUC, même si on arrive à réduire significativement l'impact du conflit armé sur un ou des milliers d'enfants, ces enfants ne seront pas vraiment protégés si les milieux dans lesquels ils évoluent ne sont pas en mesure de les prendre en charge et leur donner accès à des services de base tel que l'encadrement familial, l'éducation, la santé et les réseaux sociaux économiques.

Il est donc essentiel de prendre dès maintenant des mesures afin d'encadrer la jeunesse et éviter une recrudescence de violence et d'activités criminelles, surtout pour les jeunes qui sortent des zones de conflits, ceux qui sortent des groupes armés et qui retournent dans des communautés démunies.

Disposez vous des moyens nécessaires pour accomplir votre mandat?

Un des premiers rôles de la Section est de faire en sorte que la MONUC travaille en matière de protection de l'enfant dans l'accomplissement de son mandat. D'autre part, le rôle de la section est aussi de s'assurer que toutes les composantes de la MONUC, civiles et militaires - sont informées et savent comment ils peuvent et doivent contribuer à la protection de l'enfant dans leur rôle respectif.

Par exemple, comme nous intervenons dans une mission sous Chapitre VII, il est essentiel que nos militaires et leur chaîne de commandement - interviennent en conformité avec les règles de combat et les principes qui font référence à la protection des enfants et autres groupes vulnérables de la communauté. A ce niveau, tous les militaires de la MONUC connaissent les règles concernant la présence d'enfants dans les groupes armés et ont pu assister directement plus de 1000 enfants à sortir des groupes armés des Kivus en 2008. Pour 2009, nous sommes déjà à plus de 1300 sorties d'enfant des groupes armés effectuées grâce au support de nos militaires et du personnel civil de la MONUC.

Q'est ce qu'on fait pour réintégrer les enfants sortis des groupes armes dans leur milieu d'origine?

Malheureusement, on peut difficilement réintégrer les enfants dans leur communauté quand ces communautés sont encore aux prises avec des situations qui les mettent à risque et où les enfants seraient encore plus vulnérabilisés s'ils y retournaient. Par exemple, un enfant sorti d'un groupe armé est encore plus vulnérable au recrutement si la communauté dans laquelle il évolue est toujours sous la menace ou l'oppression du groupe qui l'a recruté initialement. D'ailleurs, la section protection de l'enfant n'est pas le principal acteur de la réintégration en tant que tel. La MONUC est d'abord active dans la sortie des enfants des groupes armés et nous travaillons en coopération avec le gouvernement, UNICEF et leurs partenaires nationaux pour intervenir dans des approches de réintégration. Actuellement, il reste beaucoup à faire à ce niveau. D'ailleurs les institutions devraient se sentir beaucoup plus concernés par la réintégration des enfants. Une vraie stratégie de réintégration contribuerait au rétablissement de la paix et la sécurité et à la relance des systèmes socio économiques, puisqu'elle viserait à donner aux parents, familles et communautés, la capacité de protéger ses propres enfants.

Comment se passe la coopération avec le gouvernement notamment en ce qui concerne la démobilisation des enfants associés aux FARDC?

Le gouvernement a fait ses devoirs sur le plan des directives militaires et du cadre normatif. De plus, le PNDDR (Programme National de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion) a permis, en 2005, de sortir plus de 30.00 enfants des groupes armés de la RDC.

Actuellement le gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre un Plan d'action qui vise à procéder de façon systématique et organisée la sortie de tous les enfants qui peuvent se trouver encore aujourd'hui au sein des FARDC. (Forces armées de la République démocratique du Congo). La mise en oeuvre de ce plan devra se faire en étroite coopération avec nous la MONUC, le UEPNDDR, les FARDC et UNICEF en vue de prendre en charge les enfants séparés et si on abouti à un résultat probant, cela pourrait ainsi permettre au Conseil de Sécurité des nations unies d'envisager le retrait des FARDC sur la liste des forces armées qui recrutent des enfants.

Presque la moitié des victimes des violences sexuelles sont des mineurs. Comment lutter contre ce fléau?

Sans vouloir minimiser la question des violences sexuelles, il ne faut pas oublier que plus de la moitié de la population de la RDC a moins de 15 ans. Donc, mathématiquement, il y aura forcément plus d'enfants dans toutes les statistiques de fléau. Ce phénomène reflète la grande problématique de l'impunité sur laquelle le gouvernement doit agir impérativement.