Présentation de la stratégie générale sur la lutte contre la violence sexuelle en RDC

3 avr 2009

Présentation de la stratégie générale sur la lutte contre la violence sexuelle en RDC

Eoin Young / MONUC

Mercredi le 1er avril 2009, Nicola Dahrendorf, Conseiller Spécial des Nations Unies en matière de violence sexuelle en RDC, a présenté le document de stratégie générale sur la lutte contre la violence sexuelle en RDC, au Gouvernement Congolais et aux partenaires internationaux. Dans un entretien, elle nous explique les objectifs et les principaux axes de cette stratégie. ENTRETIEN

Entretien

Voulez-vous nous donner les détails de cette stratégie sur la violence sexuelle en RDC?

Il y avait une nécessité d'élaborer une stratégie détaillée pour combattre la violence sexuelle en RDC ; et après des longues concertations de 10 mois avec les différentes catégories des acteurs, y compris les agences des Nations Unies, la MONUC, le Gouvernement, les Organisations Non Gouvernementales nationales et internationales (ONG), les Forces Armées de la RDC, la Police Congolaise et la Force de la MONUC, nous avons pu élaborer le document de stratégie de lutte contre la violence sexuelle en RDC.

L'objectif étant de réunir toutes les initiatives existantes sur la violence sexuelle et de mettre en place une plateforme pour des actions communes beaucoup plus organisées et résolues, aux niveaux local, provincial et national. Ceci s'applique également aux bailleurs pour mieux canaliser leurs fonds. La stratégie se repose sur quatre axes et un plan d'action.

Quels sont les quatre axes de la stratégie?

Le premier axe porte sur l'impunité, qui n'était pas à l'ordre du jour en RDC. A cet effet, nous avons mis au point un plan d'action étroitement lié aux mécanismes de reforme judiciaire du Gouvernement et des Agences des Nations Unies, qui permet à tout le monde d'apporter sa pierre à l'édifice.

Concrètement, nous envisageons de recruter plus de juges femmes, plus de magistrats et avocats femmes et de surtout veiller à ce que la loi actuelle sur la violence sexuelle soit appliquée. Il y a une bonne loi ici en RDC mais c'est la politique qui fait défaut et qui fait que la loi n'est pas appliquée.

Le deuxième axe a trait aux forces de sécurité, à la reforme du secteur de sécurité et à la violence sexuelle. La plupart des actes de violence sexuelle contre les femmes et les enfants sont perpétrés par des hommes en uniformes, y compris les forces de sécurité gouvernementales et des groupes armés. Il y a donc nécessité d'assurer une bonne formation pour les forces de sécurité et les rendre redevables vis-à-vis de leurs actes.

En outre, il faudra accorder beaucoup d'attention aux ex-combattantes. Ici, il faudra surtout introduire un mécanisme de vérification et/où contrôle lors du recrutement des forces de sécurité et nous nous y employons en étroite collaboration avec l'Union Européenne et nos collègues des Droits de l'Homme.

Le troisième axe porte sur la protection et la prévention. La violence sexuelle est au cœur du mandat de la MONUC car il consiste surtout en la protection des civils. Nous avons élaboré un plan d'action qui a trait au travail actuel de la protection des civils, et qui inclut les agences humanitaires aux groupes de protection nationale.

Le quatrième axe est celui de l'assistance multi sectorielle. Ceci implique l'accès des victimes à l'assistance sanitaire et psychosociale et la réintégration des victimes dans leurs communautés, car ils sont souvent stigmatisés.

Qui prendra la tête de chaque axe de la stratégie?

La composante impunité par rapport aux violations des droits de l'homme sera gérée par le Haut Commissaire des Droits de l'Homme, qui, en RDC est le Bureau Conjoint des Droits de l'Homme abrité par la MONUC. Le secteur de la réforme de la sécurité sera géré par la division Reforme du Secteur de Sécurité de la MONUC; cependant, il existe au départ un groupe de travail inter-gouvernemental avec lequel les discussions n'ont pas encore abouti.

Le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés se chargera de la question relative à la protection et la prévention; le Fond des Nations Unies pour l'Enfance s'occupera de la question relative à l'assistance multi sectorielle en collaboration avec le Fond des Nations Unies pour la Population (UNFPA), bien que les discussions n'aient pas encore abouti. L'UNICEF ayant à sa charge un vaste programme, l'idéal serait de construire sur ce qui existe déjà, mais non pas de réinventer la roue.

Comment en pratique ces composantes peuvent-elles être mises en oeuvre et avec quels moyens?

Nous avons élaboré un plan d'action pour chaque composante, et défini les activités clés et les actions à entreprendre, ainsi que les indicateurs et les acteurs clés qui y seront impliqués.

Chaque entité doit travailler de concert avec le gouvernement. Cette collaboration existe déjà mais nous l'avons maintenant placée dans un cadre établi pour la mise en œuvre, avec le gouvernement, du plan d'action, selon des calendriers et indicateurs de résultats définis. L'idée est que les donateurs canaliseront aussi leurs fonds à travers ce processus.

Pensez-vous que cette stratégie amènera un réel changement au problème des violences sexuelles en RDC alors que plusieurs initiatives antérieures ont échoué ?

C'est la toute première fois où l'on a, dans un pays en situation de post-conflit, un cadre et un plan d'action pour répondre à ce problème et pour souligner que ce n'est pas seulement une question de genre, mais aussi une question de droits humains, un question politique et sécuritaire. La résolution 1820 du Conseil de Sécurité des Nations Unies a été une avancée historique marquant la première fois où le problème des violences sexuelles a été reconnu comme une menace à la paix et à la sécurité.

Cette stratégie n'est pas la Bible, mais un document vivant avec lequel les gens sont sensés travailler, et qu'ils peuvent modifier et adapter en fonction des priorités et de la situation sur le terrain. Il y a là désormais une base pour aller de l'avant et s'attaquer au problème. Je représente 12 entités de l'ONU rassemblées au sein de l'Initiative des Nations Unies contre la violence sexuelle lors des conflits. Ceci est important parce qu'aucune action ni aucune agence ne peut seule s'attaquer à ce problème.

Quelle sera la contribution des ONG humanitaires dans la promotion de cette stratégie?

Je me suis très vite rendu compte que le travail réel sur le terrain est fait par les ONG nationales et internationales et que ces partenaires d'exécution sont en train de faire vraiment la différence. Nous espérons pouvoir nous appuyer sur leurs efforts en leur permettant de continuer. Les agences des Nations Unies sont là pour apporter la stratégie et fournir des conseils, le soutien stratégique et le financement. Les ONG, pour leur part, se chargent d'exécuter cette stratégie sur le terrain.

Vous arrivez à la fin de votre mission, et en tant que Conseiller spécial de l'ONU en matière de violences sexuelles en RDC, quels sont les éléments positifs que vous avez noté sur le terrain de la lutte ?

C'est la toute première fois que le gouvernement est résolument engagé et qu'il veut faire quelque chose. Je pense qu'il y a davantage de prise de conscience de la question et plus de dialogue. Ceci signifie que quelques-uns des tabous sont tombés. Ils n'ont pas complètement disparu, mais la porte s'est ouverte.

Il y a une plus grande prise de conscience et une meilleure connaissance du sujet parmi les femmes; elles savent qu'elles ont un droit, que l'Etat a une obligation envers elles et qu'elles doivent rappeler à l'Etat sa responsabilité de protéger les femmes.

Je pense que nous devons aller au-delà des discours pour obtenir des actions. Il faut qu'il y ait une volonté politique du gouvernement à tous les niveaux.

Cette volonté doit s'exercer jusqu'au niveau des chefs de communautés et des chefs coutumiers pour permettre aux populations de se prendre en charge ; pour mettre fin à la stigmatisation et l'exclusion sociales des victimes ; pour garantir que les enfants victimes de viol aient un traitement approprié et qu'elles bénéficient d'une réinsertion et d'une formation professionnelle appropriées ; et pour garantir que les victimes qui souhaitent porter leur affaire devant les tribunaux aient le soutien nécessaire et bénéficient d'une assistance juridique et judiciaire gratuite ; et qu'il y ait des réparations pour les victimes.