Sud Kivu: Campagne de lutte contre la stigmatisation des victimes de violences sexuelles

8 avr 2010

Sud Kivu: Campagne de lutte contre la stigmatisation des victimes de violences sexuelles

Bukavu, 08 avril 2010 - A quelques jours de la visite en République démocratique du Congo (RDC) de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la violence sexuelle dans les conflits armés, Margot Wallström, la MONUC et le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme (BCNUDH) ont lancé, le 06 avril, une campagne de sensibilisation contre la stigmatisation des victimes de violences sexuelles.

Le Sud Kivu est l'une des provinces les plus touchées par les cas de viols et de violences à l'égard des femmes. Par crainte de stigmatisation et de rejet, un nombre considérable des victimes ne dénoncent pas les violences subies. Dans d'autres cas, la victime est obligée de se tourner vers un arrangement à l'amiable avec le violeur, plutôt que de le traduire en justice.

C'est dans ce contexte que le 06 avril 2010 le BCNUDH et le Bureau de l'Information Publique de la MONUC-Bukavu ont organisé une table ronde avec une centaine d'acteurs responsables des confessions religieuses, de l'éducation, des média et des organisations féminines. Cette initiative faisait suite à un premier cycle de concertations, lors du Festival de Bukavu 2009, sur le rôle des institutions de base dans la lutte contre la stigmatisation des victimes des violences sexuelles.

Sous le slogan « Usisikie haya. Ni haki yako, ni afya yako, ni maisha yako » (« N'aie pas honte. C'est ton droit. C'est ta santé. C'est ta vie »), la présente table ronde avait pour objectif d'identifier les stratégies à adopter par les leaders d'opinions afin de faire reculer la stigmatisation.

Selon le Coordonnateur de la MONUC-BCNUDH, en charge de la lutte contre les violences sexuelles dans l'Est de la RDC, M. Luc Henkinbrant: « Cette tâche implique un travail sur les mentalités et sur les idées qui sont solidement inscrites dans la société du Sud Kivu. Par conséquent, la sensibilisation ne peut pas aller en profondeur sans une implication directe des leaders de la base, en tant que personnes d'influence au sein de leurs communautés d'écoute ».

De nombreuses stratégies d'action

Les confessions religieuses ont présenté la nécessité de devoir initier leur travail de sensibilisation et d'éducation à travers des prédications adaptées, en soulignant d'abord le statut d'innocence de la victime, qui est souvent considérée par la communauté comme une « pécheresse ».

Les éducateurs ont souligné l'importance d'intégrer la notion de stigmatisation dans les cours, et d'aborder le sujet non seulement avec les élèves et les étudiants, mais aussi avec les parents et les enseignants lors des assemblées. Cela sur la base du fait que, fréquemment, et pour éviter la honte au niveau de la communauté, l'enfant victime d'harcèlement dans le milieu scolaire est empêché par les parents de poursuivre son éducation. Le même accent à été mis sur la nécessité d'intégrer un article dans le code de conduite scolaire, en vue de condamner la stigmatisation.

Dans la communication de masse, les média ont focalisé leur attention sur l'intégration régulière du sujet dans les émissions radiodiffusées, à travers des programmes dédiés, des invités du jour, des témoignages volontaires de victimes. Il a été jugé important de favoriser la répétition à travers des messages courts, des publicités et des jingles ciblés. La lumière a aussi été faite sur le rôle particulier des journalistes dans la sensibilisation pour décourager le rejet des victimes.

A leur tour, les organisations des femmes-leaders ont proposé de mettre en acte un plaidoyer auprès des institutions gouvernementales pour faire intégrer un article qui condamne la stigmatisation comme un crime comparable au viol dans la loi contre les violences sexuelles. D'autres actions devraient s'adresser aux chefs coutumiers, en considération de leur pouvoir d'influence et d'orientation des communautés.

A noter enfin, la contribution de la synergie des artistes du Sud Kivu, qui après avoir présenté un vidéo-clip portant sur la lutte contre la stigmatisation des victimes, a mis en exergue le rôle de l'art dans la campagne, à travers les chanteurs, les cinéastes et les comédiens.

La table ronde a été l'occasion pour le BCNUDH et l'Information Publique de la MONUC-Bukavu de lancer la campagne de sensibilisation et de présenter des outils médiatiques créés pour accompagner les actions de la base, en particulier des brochures illustrées et commentées en langue swahili pour une large dissémination.

A l'issue de la journée, ces propositions ont été adoptées par les participants. Elles attendent maintenant d'être concrétisées afin de permettre aux victimes de violences sexuelles de refaire leur vie, dans le respect de leur intégrité morale, psychologique et physique: « C'est le moment pour les Congolais de dire NON aux violences sexuelles, NON à la stigmatisation des victimes », a conclu Luc Henkinbrant.