Verbatim point de presse-1 mars 2006

13 fév 2009

Verbatim point de presse-1 mars 2006

Bonjour à tous et à toutes, et merci pour votre participation à cette rendez-vous hebdomadaire.

Depuis notre dernière rencontre, la situation générale en République démocratique du Congo est restée calme ; aucun événement majeur n'est venu perturber la sécurité du pays ; bien au contraire, les opérations militaires conjointes FARDC-MONUC actuellement en cours à l'Est ont pour but de sécuriser davantage les populations civiles du Sud Kivu. Nous y reviendrons tout à l'heure avec force détails.
Mais d'abord, la MONUC se félicite de la visite historique des chefs des trois plus importantes agences humanitaires des Nations Unies au Congo. Comme vous le savez, les Directeurs Exécutifs du Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR), du Programme Alimentaire Mondial (PAM) et de l'UNICEF sont arrivés à Kinshasa, le samedi 25 février 2006, dans le cadre d'une visite conjointe en République Démocratique du Congo puis au Rwanda et au Burundi. Leur mission vise essentiellement à sensibiliser la communauté internationale sur les conditions de vie précaires de plusieurs millions de réfugiés et de personnes déplacées dans ces pays ; elle vise aussi à réaffirmer l'engagement des Nations Unies pour la RDC ; enfin, cette visite avait également pour but de donner un nouvel essor aux efforts d'assistance déployés par la communauté internationale pour améliorer leurs conditions de vie.

Ce voyage est sans précédent en Afrique ; il se veut aussi symbolique, en cette année 2006 qui est, une année charnière pour la région des Grands Lacs, avec notamment des élections nationales en RDC prévues avant la fin juin. Toutefois, pour la majorité de la population comme pour la MONUC, les progrès politiques doivent être accompagnés d'une assistance humanitaire substantielle.

Le conflit en RDC a fait environ 4 millions de morts depuis 1998. Certaines zones de l'est du pays sont encore régulièrement la proie de groupes armés qui terrorisent la population, violent, torturent, pillent et combattent les troupes gouvernementales. Plus de 420 000 Congolais ont trouvé refuge dans les pays voisins et en Afrique australe. La RDC accueille, pour sa part, plus de 200 000 réfugiés.

Les taux de malnutrition dans l'est du pays oscillent entre 10% et 20% ; plus d'1,6 million de Congolais sont déplacés à l'intérieur du pays et sont dans l'incapacité de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires.
C'est donc avec satisfaction que le Représentant Spécial du SG en RDC, William SWING, a accueilli les trois chefs d'Agences des Nations Unies au Congo. Parce qu'il est persuadé que si rien n'est fait pour changer la couleur de ce tableau qui vient d'être peint, il y aurait de sérieux risques d'une catastrophe humanitaire dans ce pays, avec les conséquences que l'on peut imaginer.

Au plan militaire, je vous le disais à l'ouverture de ce point de presse, l'actualité des derniers jours aura été marqué par l'opération conjointe MONUC-FARDC dans le Sud Kivu. Le but de cette opération est d'amener les FDLR à rejoindre le processus de DDR ; et donc de sécuriser les populations civiles. Car pour la MONUC, rien, au plan sécuritaire, ne pourra arrêter le processus électoral au Congo. Le Représentant Spécial Monsieur SWING est clair et formel là-dessus.

Pour plus de détails et sur l'ensemble des activités militaires de la semaine, je passe la parole au Porte-parole militaire, le Lt-Colonel Frédéric MEDARD :

L'activité des forces de la MONUC a été soutenu et s'est principalement concentrée dans l'Est de la République Démocratique du Congo.

En ITURI, depuis lundi 27 février au matin, plus de 500 casque bleus appuient 5 bataillons FARDC, soit environs 2500 soldats, dans l'opération conjointe ITURI ENGRAVER. Cette opération a pour objectif de neutraliser des bandes armées qui, ces dernières semaines, ont sévi dans la région de Tchei, à 50 km au sud-ouest de Bunia.

Les moyens engagés par la MONUC se composent de deux compagnies bangladaises, d'une compagnie pakistanaise, d'une compagnie sud-africaine et d'une section de mortiers marocaine, à 5 pièces. Une quarantaine de véhicules de transport blindés peuvent appuyer la manœuvre grâce à leurs armes de bord. En outre, 1 hélicoptère de reconnaissance, 2 hélicoptères d'attaque et 4 hélicoptères de transport sont engagés dans l'opération pour des missions d'observation, d'évacuation ou d'attaque au sol.

Dans une phase préalable, la MONUC a pourvu en transport, vivres, carburant et moyens de télécommunication les FARDC. Un cordon de bouclage avait été établi autour de Tchei au cours des semaines précédentes. Le 27 au matin les FARDC et les troupes de la MONUC ont entamé leur progression pour s'emparer de Tchei :

- Un bataillon FARDC renforcé, appuyé par une compagnie du bangladaise avait pour base de départ la route Marabo-Komanda (Nord de Tchei) ;
- Un bataillon FARDC est parti de Bukiringi (Sud de Tchei) ;
- Un bataillon FARDC renforcé, appuyé par une compagnie bangladaise et une compagnie pakistanaise, est parti d'Aveba (Sud-est de Tchei) ;
- Un bataillon FARDC, appuyé par une compagnie sud africaine est parti de Bavi (Nord-est de Tchei).

Le reste des troupes est resté déployé en bouclage de la zone à investir. Grâce à un poste de commandement avancé, la MONUC assure la coordination de l'opération. Le 27 février les troupes ont pu avancer sans rencontrer trop de résistance au nord, au sud et au nord-est de Tchei. En revanche, au sud-est, les FARDC et les troupes bangladaises avançant depuis Aveba, ont rencontré une forte résistance.

La MONUC a engagé ses hélicoptères de combat, ainsi que ses mortiers, pour permettre aux FARDC de reprendre la progression. Au cours de la première journée, 32 roquettes ont été tirées par les hélicoptères de combat, tandis qu'un soldat pakistanais a été blessé à la jambe suite au recul accidentel de la plaque de base d'un mortier. L'effort des FARDC et des casques bleus pakistanais a permis de s'emparer de TSEKELE.

Hier mardi 28 février, les premiers éléments des FARDC ont atteint les faubourgs de Tchei. Les éléments armés essaient de se dégager de l'étau en attaquant les positions au Nord, au Nord Est et au Sud Est. Au cours de cette journée, les hélicoptères d'attaque ont tiré tirés 118 roquettes supplémentaires. Aujourd'hui mercredi 1er mars, un ratissage minutieux du terrain conquis est opéré.

Au NORD KIVU, les insurgés ont complètement évacué le secteur de Runyoni, à 50 km au Nord Est de Goma et se sont déplacés vers le secteur de Tongo, sans pour autant entrer dans les localités. Les casques bleus continuent, de jour comme de nuit, de mener des patrouilles de domination dans le territoire de Rutshuru. Le redéploiement de la 83ème brigade et la mise en place de la 2ème brigade intégrée ont été suivi avec attention par la brigade du NORD KIVU. Des incidents de banditisme ont encore lieu sporadiquement sur la route menant de Rutshuru à Kanyabayonga. Afin de renforcer la présence onusienne dans le territoire, une compagnie sud africaine a établi une base temporaire à Rwindi. Une recrudescence des activités des FDLR est constatée dans le secteur de Ishasha. 13 membres des FDLR se sont rendus au cours de la semaine écoulée. Le 25 février à Beni au camp de Mangongo, un poste médical a été mis en place où 150 ex-combattants ont reçu des soins gratuits.

Au SUD KIVU, l'opération SOUTH SENTINEL conduite par 1000 soldats FARDC a visé les positions des combattants hutus rwandais, les FDLR, qui se trouvent dans le parc national de Kahuzi Biega, dans le nord de la province, à environ 60 km au nord de Bukavu. Environ 300 casques bleus pakistanais, des véhicules blindés et des hélicoptères de combat appuient la progression des unités de l'armée congolaise dans une région où les FDLR ont des bases importantes depuis une dizaine d'années, bases qu'ils utilisent pour faire basculer des troupes entre les deux Kivus.

Préalable à leur engagement, les FARDC ont reçu une formation spécifique de plusieurs semaines. Dispensée par la brigade pakistanaise du SUD KIVU. A la différence des opérations du mois de juillet les FARDC sont désormais fer de lance et constituent la majorités des troupes engagées dans cette opération, se sont emparés, samedi 24 février, de la localité d'Ekingi, une base FDLR. Dimanche 25 février, des combats ont lieu autour de Manga, près de la localité de Bunyakiri. Manga a été pris par les FARDC lundi 26 février. La densité de la végétation et le relief tourmenté rendent très difficile la progression des FARDC. A ce stade des opérations, les unités de l'armée congolaise consolident leurs positions.

Outre le soutien logistique des FARDC, en nourriture et en eau, l'évacuation des blessés vers l'hôpital de niveau II de Bukavu, les unités de la MONUC ont pour priorité d'assurer la protection des populations civiles de la région. Des positions de barrages ont été aménagées autour de la zone opérationnelle pour interdire aux FDLR la possibilité de rejoindre d'autres territoires au Nord et à l'Est et de s'y installer. D'après les témoignages recueillis sur le terrain, la présence de la MONUC satisfait les populations civiles qui considèrent cette opération conjointe comme salutaire.

La MONUC appuiera les FARDC conformément au mandat qui lui a été confié ; l'objectif restant d'amener les FDLR jusqu'au processus DDRRR dont les équipes mènent d'intenses opérations de sensibilisation sur le terrain à l'aide de radios mobiles qui diffusent dans un rayon de 50 km dans la zone d'engagement.

La MONUC prendra donc en compte toute manifestation allant des ex-combattants rwandais dans ce sens, étant désormais établi que la grande majorité d'entre eux n'aspirent qu'à déposer les armes.

Quittons le champ militaire pour des activités civiles. Ainsi, au plan humanitaire, la MONUC vole au secours des milliers de déplacés au Katanga : un convoi composé de six véhicules affrétés par le Programme Alimentaire Mondial - PAM est arrivé à Mitwaba, le 25 février 2006, avec 77 tonnes de nourriture fournie par le PAM. 11.000 personnes déplacées en seront les bénéficiaires. Quatre autres véhicules transportant au total 88 tonnes de nourriture sont également attendus dans cette localité. Il s'agit d'une opération d'aide humanitaire qui vise à assister environ 24.000 personnes vulnérables dans cette zone. Par ailleurs, compte tenu des difficultés d'accès à Mitwaba par voie routière, la MONUC avait, au préalable, facilité l'acheminement par voie aérienne de 30 tonnes de nourriture au bénéfice de 3.200 déplacés.
La MONUC voudrait attirer l'attention sur la situation de ces personnes, et demander que l'on réfléchisse d'ores et déjà sur l'avenir. Car il faudra bien trouver une solution pour leur prise en charge, après les trois mois de distribution de vivres par le PAM.

* La MONUC reste préoccupée par l'augmentation des violences sexuelles dans certaines parties du pays ; notamment au Maniema. Entre octobre 2005 et janvier de cette année, près de 1.700 cas ont été enregistrés seulement à Lumana, localité située à 132 Kms de Kindu le chef-lieu de cette Province. Sur ce total, 1267 cas concernent des violences faites aux femmes, et 422 ont été identifiés comme des actes de torture génitale commise sur des hommes. La guerre est terminée au Congo, il s'agit là de pratiques d'un autre age, que plus rien ne peut justifier, et qui doivent cesser. Alors que le monde entier s'apprête à commémorer dans une semaine exactement la Journée Internationale de la Femme, le Représentant Spécial Monsieur SWING se dit fortement préoccupé par cette question ; la MONUC demande aux autorités de tout mettre en œuvre pour protéger la femme et la jeune fille congolaise.

* Pour le Représentant Spécial, une participation égale des femmes et des hommes à la prise de décisions établira un équilibre qui correspondra mieux à la composition de la société, condition nécessaire au renforcement de la démocratie et à son bon fonctionnement. Dès lors, et pour ces millions de femmes qui ont tant souffert de la guerre et de la violence des hommes, Monsieur SWING souhaite qu'elles soient mieux représentées dans la sphère de prise de décision. Il se réjouit de voir que la nouvelle Constitution de la RDC consacre l'égalité hommes-femmes : ce qui n'existe pas dans beaucoup de constitutions à travers le monde. Cette avancée majeure devra donc se traduire par des actes concrets, et une réelle volonté politique des dirigeants congolais à sortir la femme du statut ingrat dans lequel elle a été maintenue jusqu'ici.

C'est justement pour pousser toute initiative allant dans ce sens, que le Représentant Spécial M. SWING a reçu cette semaine une délégation de femmes belgo congolaises, conduite par la Secrétaire d'Etat belge à la Famille. La MONUC reste convaincue que l'égalité dans la prise de décisions donnera aux femmes un poids qui seul permettra l'intégration d'une perspective égalitaire dans l'élaboration des politiques. La participation égale à la vie politique sera donc déterminante pour la promotion de la femme. L'égalité de participation aux prises de décisions n'est pas seulement une simple question de justice et de démocratie ; on peut y voir aussi une condition nécessaire pour que les intérêts des femmes soient pris en considération. Sans une participation active des femmes et la prise en compte de leurs points de vue à tous les niveaux de la prise de décisions, les objectifs d'égalité, de développement et de paix risquent de mettre du temps avant de se réaliser.

* Au Sud Kivu où sévit une épidémie de cholera, la MONUC apporte son secours dans la lutte contre cette épidémie depuis ces derniers jours. Les parties les plus affectées par cette maladie sont Uvira, Lemera, Ruzizi et Nyamutiri, dans les deux Territoires de FIZI et d'Uvira; entre octobre 2005 et le 27 février 2006, l'on a déjà recensés 1185 cas, et 14 morts. La MONUC appuie de diverses façons les efforts de la communauté des humanitaires pour lutter contre cette épidémie : il faut savoir que ce sont 40 000 litres d'eau potable que la MONUC distribue aux populations chaque jour dans ces deux Territoires ; en outre, des camions citernes de la MONUC sillonnent des villages, toujours pour apporter de l'eau potable aux populations.

Droits de l'Homme

* La MONUC a pris connaissance des menaces sérieuses contre deux défenseurs des Droits de l'Homme à Goma au Nord Kivu. M. Richard Bayunda Muhindo et Me Sheldon Munihire Hangi ont été menacés par des hommes armés non identifiés qui les auraient aussi visités à leurs domiciles dans la deuxième moitié du mois de février. MM. Muhindo et Hangi et leurs familles avaient été forcés de quitter la RDC l'année dernière, suite à des menaces sérieuses à leur encontre et contre leurs familles. La MONUC condamne vivement ces menaces envers des défenseurs des Droits de l'Homme et rappelle au gouvernement, notamment aux autorités civiles et militaires de la province du Nord Kivu, leur responsabilité d'assurer la protection des défenseurs des droits de l'homme en RDC, tout comme celle de toute la population congolaise. La MONUC à travers sa Division des Droits de l'Homme reste saisie de ce cas et continue de le suivre de près.

Divers

Avant de terminer, nous voulons remercier les auditeurs de Radio Okapi qui nous accompagnent et nous suivent assidûment depuis 4 ans ; vous êtes des millions à travers la RDC et le monde entier à nous écouter, jour après jour, à faire des remarques et suggestions, pour nous permettre de toujours mieux vous servir. Surtout en cette période cruciale de la Transition. La MONUC vous remercie, et vous souhaite également un joyeux anniversaire. Le vœu que nous formons pour nos quatre ans de collaboration, est que nous puissions davantage vous informer sur le processus électoral, vous donner les clés de lecture de la Transition, afin que chacun et chacune d'entre vous puisse, le moment venu, voter en toute connaissance de cause. Merci pour votre fidélité.

Place maintenant aux questions.