Verbatim point de presse-10 mai 2006

13 fév 2009

Verbatim point de presse-10 mai 2006

La situation est restée calme sur l'ensemble du territoire ; aucun événement majeur n'a remis en cause la sécurité de la République Démocratique du Congo au cours de la semaine dernière. Une semaine qui aura été marquée par: la mission du Représentant Spécial William SWING aux Etats-Unis, le lancement depuis hier de l'Opération "Ituri Amber", et des avancées significatives dans le processus electoral.
Pour commenter avec nous l'actualité de la semaine écoulée, deux visages qui ne vous sont pas inconnus. D'abord celui de Fernando Castonon, Directeur de la Division des Droits de l'Homme de la MONUC ; et celui de Monsieur Luc Henkinbrant à la Division des Droits de l'Homme. Ils nous présenteront le rapport de la MONUC sur la situation des droits de l'homme en RD Congo, pour la période avril – décembre 2005.

Vous noterez également la présence parmi nous du Chef d'Etat-major de la Force de la MONUC, le général Christian Houdet ; il nous parlera de l'opération que la MONUC vient de lancer en Ituri.

Les premiers développements de l'actualité de la semaine écoulée avec vous, Jean-Tobie:

C'est depuis vendredi dernier que le Représentant Spécial du SG des Nations Unies en RD Congo, William Swing séjourne aux Etats-Unis d'Amérique, pour une mission officielle. Pendant son séjour américain, Monsieur Swing a eu des entretiens avec des responsables des Nations Unies et des membres du Congrès américain, au sujet de la RD Congo et de la MONUC.

Sur place, la MONUC note avec satisfaction l'avancement du processus électoral. Nous profitons de cette occasion pour réitérer l'appui de la MONUC à la CEI et à son président, qui font, avec l'ensemble des membres qui composent cette institution, un travail remarquable pour permettre aux Congolais d'aller vers leurs premières élections libres, démocratiques et transparentes depuis plus de 40 ans.

La MONUC constate que le train des élections avance. Les kits électoraux sont depuis une semaine acheminés à travers le pays ; et il faut, une fois de plus, saluer le soutien substantiel que le gouvernement de la République d'Afrique du Sud apporte à l'organisation des élections en République Démocratique du Congo.

Par ailleurs, après l'inscription des candidats, la CEI a validé le bulletin de vote du 1er tour de l'élection présidentielle. La maquette de ce bulletin se trouve déjà en Afrique du Sud pour impression, à l'heure où nous vous parlons. 38 bureaux de réception et de traitement de candidatures supplémentaires ont également été ouverts, pour résoudre le problème de distance soulevé par certains candidats. Samedi dernier, la CEI avait invité les mandataires des partis et des regroupements politiques, ainsi que des candidats indépendants aux élections législatives à venir valider les logos de leurs partis ou regroupements politiques ; les sigles du nom du parti, les photos ou encore les noms des différents candidats.

* La MONUC condamne fermement les événements de Kavumu à Bukavu au Sud Kivu de la semaine dernière qui ont vu quelques centaines de manifestants, composés d'enfants de la rue et de jeunes, dans leur très grande majorité, s'en prendre violemment aux installations des Casques bleus de la MONUC aux abords de l'aéroport de Bukavu. Après enquête, il s'avère que tous ces jeunes ont été incités à manifester contre la MONUC après avoir été nourris de rumeurs et manipulés par quelques acteurs locaux à des fins politiciennes, dans le but de saper la confiance des populations dans les Casques bleus. Les auteurs de cette manipulation ont été clairement identifiés et leurs noms ont été transmis aux plus hautes autorités congolaises. La MONUC rappelle qu'elle continuera à déployer tous les efforts nécessaires en vue d'aider à la bonne sécurisation des élections, et à lutter contre tous ceux qui, par quels que moyens que ce soit, tenteront de saper la confiance des Congolais.

La MONUC réitère son indignation quant à l'utilisation des enfants à des fins politiciennes, comme cela est de plus en plus le cas au Sud Kivu ; notamment à Bunyakiri, où la MONUC et les FARDC sont en train de redoubler d'efforts pour ramener la sécurité et déloger les groupes armés étrangers.

* Au plan militaire, la MONUC poursuit ses opérations de stabilisation et de pacification du pays. C'est dans ce cadre que depuis hier, a été lancée l'opération « Ituri Ember ». Des détails avec vous, Général Houdet:

Le reste des développements des activités militaires, avec le Lieutenant-colonel Frederic Médard, Porte-parole militaire :

En Ituri le lancement de l'opération conjointe MONUC-FARDC "Ituri Amber" manifeste la volonté de réduire les bandes armées qui sévissent encore dans le district. D'ici aux élections, les Casques bleus n'entendent pas relâcher la pression. Relayant l'invite du général Kisempia dans la presse kinoise, la MONUC, parallèlement à la poursuite des opérations militaires robustes en cours et à venir, engage sans équivoque les ex-miliciens qui mènent un combat sans issue, à rejoindre le processus de désarmement.

Dans la province du Nord Kivu, le 4 mai, les Casques bleus ont lancé une patrouille conjointe avec les FARDC qui est partie de la base d'opération de Kanyabayonga et s'est rendue à Mirangi. Le 8 mai, les soldats de la paix ont mis en place des bases mobiles d'opération à Mriki et Kibua qui devraient être maintenues une dizaine de jour. Selon le principe déjà évoqué, ces bases servent à conduire des patrouilles de contrôle afin de sécuriser les populations. Elles permettent également de mettre à jour certaines bases d'informations et en prévision des élections, d'assurer une reconnaissance des futurs centres de votes.

En outre, 95 éléments FDLR ont été rapatriés au Rwanda au mois d'avril. Dans ce groupe figuraient 69 combattants dont deux enfants soldats et 26 dépendants. Au cours de la première semaine de mai, 90 réfugiés rwandais supplémentaires, provenant de différents sites de collecte de la province du Nord-Kivu, ont été rapatriés dans leur pays d'origine par le HCR de Goma.

Dans la province du Sud Kivu, les Casques bleus ont maintenu le rythme d'activité pour la sécurisation des populations dans le cadre des opérations "Night Flash" dans le parc de Walungu et "South Safe Path" dans le parc de la Kahuzi Biega, visant plus particulièrement les FDLR. L'opération "Market Domination" continue à intéresser la protection des principaux marchés de la province et "South Safe Guard" celle des églises.

Malgré un dispositif qui porte des fruits en permettant une activité économique et sociale en de nombreux points de la province, la MONUC a conscience que la population nourri une certaine perplexité face à des exactions qui, en des lieux comme Buniakiri ou Kaniola où la situation reste précaire, sont encore commises à son encontre. Les habitants du Sud Kivu, et l'ensemble de leurs concitoyens congolais doivent savoir que l'objectif n°1 des Casques bleus est d'assurer un environnement stable pour les élections. Cette stabilité passe par le déploiement de nouvelles brigades brassées. Une vague de ces nouvelles unités est en attente dans les centres. Le Conseil Supérieur de Défense a récemment confirmé que l'objectif de 18 brigades brassées restait l'objectif, ce que la MONUC encourage donc.

Dans la province du Katanga, le 7 mai, la compagnie uruguayenne de Mitwaba a rendu compte de la présence de plusieurs dizaines de combattants Maï Maï parmi lesquels on comptait des enfants soldats.

Ces Mai Mai, se revendiquant du groupe de Gédéon, étaient détenteurs d'armes blanches et de fusils en mauvais état. Des contacts ont été noués pour que l'ensemble du groupe et de ses chefs intègre le processus de démobilisation et de réintégration.

Depuis le déploiement de 70 casques bleus dans cette localité, le 4 avril dernier, la situation sécuritaire est stabilisée. A l'approche des élections, la MONUC soutien cette avancée vers la paix et se tient prête à renforcer sa présence et à aider matériellement au désarmement et la démobilisation des combattants, afin de maintenir un environnement calme dans cette partie de la République Démocratique du Congo. S'agissant du chef Gédéon, la MONUC assurera sa sécurité et son intégrité, conformément aux règles du droit international et avisera les autorités congolaises.

Notons enfin au rang des opérations d'assistance aux populations congolaises que le 5 mai, sur la rivière Kassaï, près d'Itebo, agglomération située dans la province du Kasaï Occidental, l'unité riverine a porté secours au pousseur "Buyambelema" et à deux barges tombées en panne en les remorquant jusqu'à un lieu qui permettra la réparation des moteurs.

Merci Frédéric.

* La MONUC a pris note des dernières déclarations du président rwandais Paul Kagame à propos de la RDC ; vous savez que cette semaine, Monsieur Kagame avait reconnu que les relations entre les deux pays s'étaient considérablement améliorées. C'est un signe positif dans la normalisation des relations entre la RD Congo et ses voisins.

* Au plan humanitaire, les Nations Unies facilitent depuis hier l'opération de rapatriement et de réinsertion dans la province Orientale de Congolais réfugiés au Soudan depuis plus de 40 ans. Cette opération s'effectue en coordination avec les autorités municipales et provinciales à Kisangani, ainsi qu'avec le HCR, OCHA, OXFAM (Québec), PAM, Croix-Rouge, l'UNFPA et la MONUC

Quelques 993 personnes sont ainsi concernées par cette opération; celles-ci sont transportées vers Kisangani et les villes secondaires de la province Orientale depuis la frontière soudano-congolaise. Les 27 premiers Congolais sont arrivés hier mardi et ont été reçus chaleureusement par les autorités de Kisangani et de la province Orientale. Les autorités congolaises sont responsables de la sécurité et de la réinsertion de leurs concitoyens. Le HCR, le PAM et l'UNFPA assurent le transport aérien, l'assistance alimentaire, l'hébergement et les soins sanitaires. La MONUC apporte son soutien logistique pour le transport de ces personnes depuis l'aéroport de Kisangani jusqu'au centre de transit et participe à la planification de l'opération. A noter que parmi les raisons invoquées par ces personnes pour justifier le choix du retour au bercail, figure la paix et la stabilité revenues en RD Congo.

A propos de Mitwaba qui comme vous le savez, a été l'épicentre de la concentration des déplacés qui fuyaient les combats entre FARDC et miliciens Mayi-Mayi, une mission conjointe MONUC-HCR-OCHA-PAM a permis de constater un nouvel afflux de déplacés dans cette zone. Non pas à cause des combats, mais suite à l'amélioration des conditions de sécurité ainsi qu'à la restauration de la confiance. Les personnes qui se terraient dans la brousse en sortent de plus en plus, rassurées qu'elles sont dans une situation sécuritaire améliorée ; et surtout, par la possibilité d'avoir accès à l'aide humanitaire. Rien que pour le mois d'avril, 2000 nouveaux déplacés ont été enregistrés à Mitwaba. Il s'agit d'un signe positif : en effet, la plupart de ces personnes sont des combattants Mayi-Mayi, fidèles de Gédéon, ce qui laisse présager d'une reddition (peut-être) imminente de ce Monsieur.

Nous allons passer maintenant à la présentation du rapport de la MONUC sur la situation des droits de l'homme. Une présentation succincte vous a été remise. Je passe la parole à la Division des Droits de l'Homme de la MONUC :
Etat de la lutte contre l'impunité

I. Etat des lieux :

1. Depuis le début de l'année 2006, la MONUC a pu constater quelques dévelopements positifs dans le domaine de la lutte contre l'impunité en RDC. A part la remise de Thomas Lubanga à la Cour Pénale Internationale à La Haye, les tribunaux militaires congolais ont rendus trois verdicts importants.

- Le tribunal militaire de garnison de Bukavu a condamné le 17 mars 2006, le Commandant Biyoyo, de l'ex-mouvement Mudundu 40, faisant partie de la 10ème région militaire, pour mouvement insurrectionnel, désertion à l'étranger et aussi arrestation arbitraire et détention illégale d'enfants au Sud Kivu en avril 2004. Pour la première fois un individu a été jugé et condamné pour recrutement d'enfants en RDC.
- Le tribunal militaire de garnison de Mbandaka a, le 12 avril 2006, condamné 7 militaires à la servitude pénale à perpétuité pour crime contre l'humanité pour les viols de masse commis en décembre 2003 à Songo Mboyo et Bongandanga.
- En Ituri, le tribunal militaire a condamné, pour la premiere fois, à la prison à vie un capitaine pour crimes de guerre.

2. Dans deux de ces affaires, le tribunal à fait application directe du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et n'a donc pas prononcé de condamnation à la peine de mort, peine qui n'est pas prévue par le Statut.

3. Ces quelques résultats positifs sont malheureusement contrebalancés par de nombreux cas où la justice semble véritablement en panne.

- Le procès du Colonel Ademar, arrêté depuis le 10 Juillet 2005, suite au massacre d'au moins de 30 personnes à Kilwa, et l'arrestation des autres exécutants bien connus de la justice militaire, sont toujours bloqués.
- En Ituri, si l'on peut se réjouir d'un certain nombre d'arrestations, et de condamnations de miliciens par les tribunaux civils et militaires de Bunia, on doit malheureusement constater que les poursuites à l'encontre de plusieurs leaders de milices sont aujourd'hui au point mort. Les cas les plus flagants sont ceux de Jerome Kakwawu, ex-chef des FAPC et de Flauribert Kisembo, ex-chef d'etat major de l'UPC, tous les deux nommés généraux et vivant à Kinshasa sous la protection des politiques malgré leurs dossiers volumineux.
- En ce qui concerne les huit chefs de guerre Ituriens en detention à Kinshasa et poursuivis pour crime contre l'humanité et crime de génocide, la MONUC a assisté le vendredi 05 mai et le mardi 9 mai à l'audience publique de la Haute Cour Militaire qui avait pour objet l'examen de la requête de l'Auditeur général aux fins de prorogation de la détention préventive. Cependant, aucune decision n'a pu etre prise puisque le Ministère public a soulevé l'exception de la composition irrégulière du siège, en ce que parmi les membres il y avait un magistrat colonel. Or, conformément à l'article 10 alinéa 2 du Code de Justice Militaire, la Haute Cour militaire devrait siéger avec cinq membres, tous officiers généraux dont deux magistrats de carrière (également ayant grade de général) au motif que parmi les prévenus se trouvent deux officiers généraux des FARDC, Germain Katanga et Emery Goda Sukpa. Or, Présentement la Haute Cour militaire ne comprend qu'un seul général magistrat de carrière, ce qui rend impossible que les dossiers impliquant des généraux soient traités devant cette Cour par manque de magistrats militaires ayant le grade de général. La MONUC s'est adressée au Président de la République afin qu'il agisse pour débloquer la situation en nommant un général/magistrat de carrière supplémentaire à la Haute Cour. La MONUC a soulevé que cet état des choses risque de consacrer l'impunité de ces chefs de milices et de hauts responsables de l'Armée présumés responsables de crimes internationaux.

II. Interférence dans le fonctionnement de la justice militaire :

4. Ce progrès limité dans la lutte contre l'impunité est dû en partie aux difficultés matérielles réelles qui minent le bon fonctionement de la justice militaire congolaise. Mais il est aussi dû aux interférences, de plus en plus souvent constatées par la MONUC, des autorités politiques et militaires, membres de l'exécutif ou officiers de haut rang, dans le cours des affaires judiciaires, faisant ainsi obstacle au bon fonctionnement de la justice militaire.

5. MONUC voudrait partager avec vous quelques illustrations de ces atteintes à l'indépendance de la justice militaire :

- Au Nord Kivu, le 30 juin 2005, suite à un accrochage entre les éléments de l'escorte du Colonel Bindu et des membres de la Police Militaire (PM), 3 militaires et 4 enfants sont tués, 12 autres personnes blessées. Le même jour, Colonel Bindu et 30 éléments de son escorte sont arrêtés. A ce jour, suite aux interventions de diverses autorités militaires, tous les présumés auteurs sont en liberté et le procès commencé le 2 juillet 2005 est bloqué. Le colonel Bindu continue toujours d'exécuter ses fonctions militaires.
- Au Sud Kivu, le Colonel Nakabaka, ex-commandant de la 111ieme brigade militaire basée à Kiliba, a interféré durant le mois de février 2006 dans une enquête menée par l'Auditeur de Garnison d"Uvira pour arrestation arbitraire/détention illégale, coups et blessures et extorsion commis par son S2 (un capitaine de sa Brigade). Le 27 avril 2006 le Colonel Nakabaka a menacé l'Auditeur Militaire s'il continuait ses enquêtes contre son S2. Ce même jour, le Colonel Nakabaka a menacé l'assistant national de la DDH à Uvira pour avoir fait le suivi de ce cas en justice. Actuellement le Colonel est dans un centre de brassage. En plus, Le Commandant de la 10ieme Région Militaire, le Général Agolowa, refuse explicitement d'exécuter des mandats d'arrêt lancés contre certains de ses officiers (accusés de viol, arrestation arbitraire, torture et pillage), prétextant qu'il a besoin de ces officiers compétents pour des opérations militaires en cours.

6. De telles ingérences dans l'administration de la justice compromettent gravement son indépendance et ruinent les efforts fournis par la justice militaire pour mettre fin à l'impunité et favorisent donc la répétition des actes criminels.

7. En conséquence, la MONUC recommande que des mesures soient prises par le commandement et par la justice militaire afin que tous ceux qui s'attaquent à la population civile puissent faire l'objet non seulement de mesures disciplinaires mais aussi de poursuites pénales devant une justice militaire efficace et agissant en toute indépendance.

* A présent, place aux questions. Première question:

Avant de rendre l'antenne, notez que le 29 mai prochain, sera la Journée Internationale du maintien de la Paix (UN Peacekeeping Day). La paix, c'est notre affaire; c'est l'affaire de tout le monde. La paix, c'est aussi une culture, et pas seulement l'absence de la guerre. Nous reparlerons de tout cela la semaine prochaine.